C'est ainsi, je suis ingénieur. Et donc cartésien. Ingénieur généraliste même, c'est dire si aucune sorte de subjectivité ne m'atteint. C'est pourquoi je ne suis pas superstitieux.

La présence dans mon portefeuille d'un trèfle à quatre feuilles, de mon premier thème joué au Théo et d'un drôle de papier colorié n'y change rien, je ne suis pas superstitieux.

Mais j'en connais qui le sont, c'est ce qui me fait hésiter.

D'autant que ces temps-ci, je suis d'humeur marine. Il suffit de compter les notes sur le match-racing pour s'en convaincre. A défaut de vivre en marin, j'en attire sur ces pages (effet googlien bien connu). Et s'il y a bien un homme sujet à la superstition, c'est le marin.

On le sait, si la superstition existe, c'est qu'elle est fondée sur une lointaine vérité expérimentale. Ainsi, la probabilité de recevoir un objet contondant sur la tête est évidemment plus élevée sous une échelle qu'ailleurs. Cela tient en grande partie au fait qu'à ciel découvert, il n'y a guère que les oiseaux, les pots de fleur et les cachalots qui puissent tomber et les fluctuations quantiques sont ainsi faites que c'est tout aussi probable sous une échelle[1].

Le marin accumule les superstitions depuis l'ancien temps de la marine à voile. Car à cette époque, il était -plus encore qu'aujourd'hui- à la merci des éléments. Ainsi, craignait-il la côté sous le vent, le récif affleurant et le hollandais volant. Sa vie était un enchaînement d'actes d'allégeance aux forces de la Mer. Il en redoutait les manifestations et abhorrait leurs signes annonciateurs. Petit à petit, ces alarmes devinrent le danger lui-même. C'est pourquoi, de nos jours, le marin redoute la chute barométrique plus encore que l'orage. C'est pourquoi, il craint plus tout un certain animal aux longues oreilles de la famille des léporidés.

Il fut un temps où les navires étaient faits de bois et de tissu. Ce qui en assurait la cohésion -la survie !- étaient les cordages[2]. Or les lagomorphes s'ils ne sont pas des rongeurs n'en rongeaient pas moins les fameux cordages, précipitant navires et marins dans les bras de Davey Jones. Bref, entre marins, on ne parle pas du cousin du lièvre.

Cependant, depuis près de deux semaines, il y en a un un chez moi.

C'est le résultat d'un achat impulsif. Poussé par un camarade qui arrête de fumer et une demoiselle qui y songeait depuis longtemps. En plus, il faisait beau. Bref, je n'avais aucune chance, je craquai.

Déballé, branché et configuré.

Oraizin Oraizin Oraizin

Oraizin -c'est son nom- bouge les oreilles, s'allume et dit des bêtises. Parfois il donne l'heure, parfois il livre un message. Il joue de la musique. Les matins, il révèle la météo du jour puis nous rappelle d'aller travailler. Il lit la presse et des flux rss.

Mon lagomorphe wifi est fascinant.

Poour finir, vous noterez, cher Lecteur, que sans le poids des superstitions, le titre ce cette note serait plus drôle.

Notes

[1] Négligeons les oiseaux en première approximation, voulez-vous.

[2] On dit aussi bout-qui se prononce "boute"-, filin ou écoute, mais surtout pas corde, car sur un navire, la corde est réservée au pendu et à la cloche qui annonce le repas (ce qui donne une idée de la valeur des cuisiniers d'antant.).