Pas de préparation spécifique (où l'optimisme frise l'inconscience) : l'objectif était simplement de finir, pas de faire un temps. Et puis avec ma sérieuse préparation de semi-marathon, je me suis dit que je courais bien assez comme ça. Non mais.

Samedi soir, 19h, au parc des sports de Gerland, je me suis trouvé à quelques mètres de l'arrivée. Mais au lieu de couper court, je suis monté dans le bus en direction de St Etienne...

Arrivé au palais des sports de St. Etienne, c'était le bin's. Ma gentille entreprise (sponsor de la course) avait tout de même bien fait les choses : nous avions droit à un espace réservé et il n'était pas nécessaire de faire l'interminable queue pour récupérer son dossard - le mien portait le numéro 198, un petit numéro comme ça fait pro... 

Une fois le repas du soir (des pâtes !) avalé, j'ai tranquillement préparé mes petites affaires : vu le temps glacial qui s'annonçait, j'ai opté pour la tenue la plus chaude possible : en haut, deux couches "techniques" plus un coupe-vent dans le sac, des gants et le superbe bonnet offert par l'organisation sous ma chouette lampe frontale. En bas un collant 3/4, des grosses chaussettes dans des chaussures de trail confortables. Plus un sac à dos avec de l'eau, quelques gels, pâtes de fruit, une toute petite peluche pour le moral. Sûreté oblige, je trimbalais aussi une couverture de survie, un téléphone, des piles de rechange et une mini trousse de secours...

Une fois fin prêt, il restait bien deux heures à tuer avant le départ. J'ai bien essayé de dormir mais au milieu des milliers de coureurs qui se préparent, c'est une épreuve particulièrement ardue... Mais entrons dans le vif du sujet, car à minuit moins vingt, l'heure de rejoindre la ligne de départ approche. A peine sorti et c'est le grand coup de froid. Heureusement au milieu de 8000 coureurs, on ne sent pas trop le vent.

Minuit, top départ, je me retrouve perdu au milieu des coureurs et nous allumons tous notre frontale pour passer la ligne sur du U2. C'est parti et je me sens très léger ! Très rapidement réchauffé, je pose les gants et dézippe ma petite polaire.

Après quelques kilomètres de bitume, les premières côtes sont casse-patte mais comme rien ne sert de courir... je marche.

Dès que nous quittons la ville, ça se refroidit et les premières plaques de verglas apparaissent - je manque de me casser la figure mais heureusement, je me rattrape dans une parfaite imitation de Nestor dans les sept boules de cristal.

Petit à petit, un immense serpentin de frontales s'étire sur les Monts du Lyonnais, c'est vraiment féérique et cela ferait presque oublier que l'on court en permanence en peloton très très serré. J'écris presque car nous abordons très rapidement des sentiers complètement glacés et/ou très très enneigés et ça commence à bouchonner sévère...

Au bout d'une heure cinquante : St Christo, le premier ravitaillement. Les 16 premiers kilomètres (essentiellement de la montée) se sont bien passés, je décide de ne pas m'arrêter pour éviter de me refroidir.

Une grosse côte nous entraine sur un plateau très venteux. Instantanément, ça caille ! Ca caille tellement que j'essaie d'accélérer (la bonne stratégie aurait été d'enfiler mon coupe-vent mais curieusement, je n'y ai pensé que bien plus tard) mais les chemins sont très peu praticables. Le problème, ce n'est pas tant la neige (en moyenne une vingtaine de centimètres avec quelques congères de près d'un mètre !) que les ralentissements qu'elle cause. J'ai à plusieurs reprises dû attendre à l'arrêt près de dix minutes pour que la meute franchisse une marre de verglas ou une grosse congère. Et ces ralentissements à répétition ne font pas du bien, ni aux jambes, ni au moral...

Un sous-bois nous coupe enfin du vent, en plus le chemin est "roulant" mais le répit est de courte durée : nous attaquons une descente bien glacée (où je croise le premier évacué en ambulance - en tout j'en verrai cinq)... Tout au long du chemin, nous croisons un nombre incroyable de spectateurs surmotivés : c'est incroyable, malgré la nuit et le froid, de les retrouver à des endroits improbables sur des chemins paumés...

Trois heures quarante-neuf, 28km, Sainte Catherine, second ravitaillement. Ce coup-ci je m'arrète quelques minutes dans la tente surpeuplée et surchauffée. Préventivement, je chage les piles de ma frontale. Deux tartines vache-qui-rit-pain-d'épices et un thé menthe bien sucré dans le ventre je repars en courant dans le froid. En passant à côté des navettes direction Lyon, je me demande si tout cela est bien raisonnable...

D'autant qu'une sacrée difficulté se présente : le bois d'Arfeuille. Il s'agit d'une descente en sous-bois, très escarpée, très peu large, très piégeuse avec des cailloux et racines sous les feuilles et très glacée. Autour de moi, c'est un festival de glissades genre holiday on ice. Miraculeusement je ne tombe pas une seule fois - mais j'avoue avoir descendu quelques passages sur les fesses, côté esthétique on repassera mais c'est efficace.

Pas encore de fatigue, mais mes jambes commencent à tirer. Je me décourage un peu, quand soudain, sur le coup de cinq heures du matin, la plus belle étoile filante qu'il m'ait été donné de voir tombe dans un champ, juste à côté. Un trait très lumineux terminé par une boule de feu. Elle était tellement nette que j'aurais pu croire à une halucination si trois types autour de moi n'avait poussé des exclamations en même temps. Je fais mon voeu réglementaire et décide qu'il ne se réalisera que si je finis cette course. Pas de souci, j'en ai presque fait la moitié.

Cinq heures quarante-deux, 36km, Chausson St Genoux, troisième ravitaillement. Une longue pause s'impose, qui me permet d'étudier la suite du parcours : beaucoup de descente et un terrain a priori plus facile que ce qui précède. Si l'on ajoute à cela un thé bien chaud et une bonne tartine pain-d'épides-tuc-saucisson-vache-qui-rit, le moral est au beau fixe. Je repars enthousiaste.

Et là c'est l'énorme désilusion : la descente est assez infernale (beaucoup de boue) et petit à petit mes genoux se mettent en grève. Le gauche d'abord qui tire derrière l'articulation. Le droit ensuite qui refuse tout transfert de charge plié. Mon auto diagnostic basé sur un problème similaire en janvier dernier : Tendinite du Fascia-Lata. Pour faire court, c'est douloureux. Et c'est encore plus douloureux en descente... Autant dire que la fin du parcours va être longue. Très longue.

Je marche de plus en plus et le soleil se lève doucement. Mais au lieu d'une aurore colorée, une grosse neige se met à tomber et rend le parcours à nouveau glissant. Damn.

Sept heures cinquante deux, 47km, Soucieu-en-Jarrest, quatrième ravitaillement. J'ai le moral dans les chaussettes. Et d'ailleurs, je change de chaussettes, marre de ma paire trempée. Même si ça ne durera pas longtemps j'aurais les pieds au sec. Je mange un peu. Je bois beaucoup. Un type à côté de moi demande à un bénévole s'il y a des navettes pour Lyon. La réponse : oui si vous voulez abandonner. Abandonner. J'y songe. J'envoie un texto à Sophie et fais quelques étirements. Et je repense à mon étoile filante. Je repars en serrant les dents. A partir d'ici, impossible de courir.

Les genoux tirent de plus en plus, surtout le droit qui me fait grimacer à chaque pas dès que ça descend. Et ça descend. Quelques coups de fil et sms me remontent le moral mais c'est très très dur.

Dix heures vingt-huit, 59km, Beaunant, dernier ravitaillement. Il ne reste que 11km de bitume, mais il me faudra un peu plus de deux heures pour les parcourir, au milieu d'un groupe composé à 50% d'éclopés et à 50% de troisième âge. Mes jambes ne répondent plus et comme je me traine, je suis congelé. L'arrivée dans Lyon semble absolument interminable.

Je finis tout de même par franchir la ligne d'arrivée, sous les encouragement de Fabrice et avec Sophie au téléphone.

Congelé, épuisé, un genou en vrac, tout ça pour un t-shirt de finisher...

Une bonne douche, un très bon repas (merci Fabrice et Romain), une bonne sieste dans le TGV et me revoilà à Paris, au lit à huit heures trente. Lundi = récupération dans mon chouette canapé avec un traitement à base de glace : bloc de congélation pour les genoux et Haagen Dasz pour le moral.

Au final, et malgré quelques images magiques, cette SaintéLyon 2012 restera surtout comme une belle galère. Les conditions particulièrement dures n'ont pas aidé mais le défaut majeur de cette course c'est la foule : à aucun moment (sauf dans les derniers hectomètres) je n'ai été seul face à la nature, au contraire la densité approchait les transports en commun parisiens aux heures de pointe, ce qui tue un peu l'aventure...

Côté physique, je n'étais pas prêt pour une telle distance, avec un tel dénivelé, sur un tel terrain. Ceci étant, je ne suis pas sûr d'être fait pour le trail. De même que je préfère nager en piscine plutôt qu'en eau vive, je crois que courir sur une piste plate et bitumée me convient plus que gambader dans les montagnes...

Mes douleurs au genou (presque disparues 10 jours après) + un vilain rhume me forcent au repos ; 2012 = 72km de natation, 950km de vélo de route, 250km de VTC et 791km de course à pied. Pas mal pour une résolution prise par dessus la jambe !