Un peu après vingt heures, je file. Dans mon sac, un pantalon noir, une chemise blanche (toute neuve des soldes), des boutons de manchette toucan (irlandais, donc) et du gel (que j'oublie toujours).

Après vingt minutes de marche, ou trois de métro, j'arrive au Théo Théâtre. Bonjour au monsieur de l'accueil et question rituelle : il y a beaucoup de monde ce soir ? en espérant toujours un c'est plein. Hier, il n'y avait que quatre réservations. Aïe. C'est la première fois depuis le début de la saison.

Les autres de la compagnie -quatre comédiens, un lumière, un critique- arrivent petit à petit. Bonsoir, bonsoir. Bonne journée ? Bon week-end ?

Au bout de vingt minutes, le spectacle nous précédant est terminé, nous allons nous préparer en coulisse. Habillage, coiffage, maquillage.

Ensuite, vingt minutes d'échauffement. D'abord individuel -travail corporel, travail de la voix- puis en groupe -écoute, construction...

Il est presque l'heure quand le type de l'accueil nous demande si nous sommes prêts. Il n'y a plus qu'à se répartir les rôles dans l'entrée, déterminer qui fera l'introduction et la conclusion. Puis nous filons en coulisse. Quelqu'un crie merde ! et les portes du théâtre s'ouvrent. Les spectateurs entrent -finalement, ils étaient dix, c'est peu, ça change, c'est plus difficile- et s'asseoient tandis que nous ne pouvons que chuchoter... Tension maximale. Pourvu que le public apprécie. Pourvu que les impros marchent. Pourvu que... Généralement, à cet instant, je ne fais pas le fier...

Neuf heures vingt. Les lumières dans la salle s'éteignent. Une voix enregistrée dit nous vous remercions de penser à rebrancher vos téléphones portables en quittant la salle et nous vous souhaitons un bon spectacle. Dans le noir, le premier comédien entre, la musique démarre, puis la lumière et c'est parti pour une heure vingt de bonheur...

Hier soir, il y avait sur scène une armée soumise à l'autogestion, un torrero décorateur, un glaçon qui fond, une épreuve initiatique tibétaine, un débat politique, une poupée rebelle, un coiffeur pour footballeur, des tortues intermittentes du spectacle, des philosophes au réveil, un ralenti et j'en oublie...

Onze heures moins vingt, le spectacle est fini, nous redescendons en coulisses, épuisés, mais heureux... C'était une belle soirée.