Le principe de l'improvisaton, c'est évidemment de faire quelque chose qui n'est pas écrit. L'histoire se déroule petit à petit, les personnages évoluent. Mais il faut bien que ça s'arrête un jour. Il faut couper. Et la coupe ne peut pas venir des joueurs. La mise en scène serait bancale -imaginez un acteur sortant de son rôle pour annoncer bon ben voilà, c'est terminé, on va passer au thème suivant. Et en plus, les acteurs étant fondamentalement égocentriques[1], si on les laissait faire, ils ne se couperaient pas souvent. C'est donc les lumières qui coupent l'impro. Noir. Simple.

Simple ? Mettons-nous un instant dans la peau de ce sympathique coupeur. Premier cas : l'impro marche bien. Le public rigole, les personnages sont posés, l'action avance, bref tout le monde est content. Quand faut-il arrêter ? Au paroxysme -au risque de frustrer spectateurs (oh ce que c'était drôle) et acteurs (mais j'avais encore plein d'idées)- ou après le paroxysme -au risque de décevoir spectateurs (c'était mieux avant) et acteurs (sur la fin on a tout perdu) ? Deuxième cas, l'impro ne marche pas bien. Les personnages sont mitigés, l'action rame voire il y a une incompréhension entre les joueurs... Bref, quand faut-il couper ? Très vite -au risque de laisser une mauvaise impression aux spectateurs (celle-là était franchement ratée) et aux acteurs (idem)- ou donner une chance à l'impro -au risque de laisser les choses empirer ?

Trouver une fin, c'est le boulot -pas facile- des lumières. Il y a un régisseur du théâtre qui s'occupe des différents spots (c'est un véritable sport que de réagir en temps réel aux manettes, mais quelle réussite lorsqu'un éclair à peine annoncé se voit aux lumières[2]) et quelqu'un de la compagnie qui dit quand couper. Hier c'était moi. La première fois que j'ai coupé -il y a deux ans- dix-sept thèmes ont été joués -la moyenne est à douze. C'était trop. Hier dix. Peut-être pas assez. Mais des fois, on a beau chercher, il n'y a pas moyen de couper...

Hier, on a pu voir une mère absente, un singe amazonien, un consultant rastacool, un mari qui se sépare de sa femme, un colloc' heureux, deux chanteurs, une file de vieux, une cendrillon trash, des astronautes fêtards, un jammeur sous emphét'... Lundi prochain, retour sur les planches : autant de stress, mais moins d'interrogations...

Notes

[1] Ben oui, se mettre sur une scène et demander à des gens de payer pour venir voir requiert beaucoup d'ego.

[2] Au passage, bravo à Jean-Marc qui est génial.