Tout commence à sept heures. Le réveil a dû changer de fréquence : pour la première fois depuis quelques semaines, je l'entends. En appuyant sur la grosse touche du milieu, je repousse la torture. Dix minutes plus tard, un peu de gymnastique, une bonne douche, rasage, habillage tout beau (plus belle chemise, cravate et costume, un vrai banquier), pas faim, et c'est l'heure de partir. Dehors il fait froid et nuit. Un métro m'emporte vers le sud. Puis un bus, vers l'ouest.

Je ne lis pas ma confederacy of dunces[1] pour mieux regarder le paysage -jusqu'alors je ne prenais pas souvent le bus- mais plus le jour se lève et plus les vitres sont embuées. Le jazz mélancolico-énergique de Wise m'accompagne, dans le bus les gens somnolent, pas moi.

Vélizy, rue Paul Dautier, il fait jour. A l'accueil, on me donne un badge temporaire. Puis une dame m'explique tout sur les retraites, les mutuelles, les assurances-vies et -plus réjouissant- les congés payés. Ensuite j'ai droit à un badge rien que pour moi. Numéro 0C0360[2], avec une photo, qui fait aussi carte de cantine, mais il faut bien rebadger après avoir mangé sinon la machine pense que vous avez passé toute l'après-midi à la cantine, du coup vous ne pouvez pas sortir le soir.

Ensuite je vais voir Richard, mon chef. Pour occuper ma fin de matinée, il me donne des papiers à lire et me présente mon bureau. Il y a dèjà quelqu'un et je n'ai pas d'ordinateur, c'est normal après les vacances. Je me pose sur un bout de table et lis un rapport du bcg sur le recyclage du combustible usé aux zétats-zunis. Puis une déclaration d'intérêt.

Une heure moins vingt, on vient me chercher pour manger. Je mets quelques sous sur ma carte. C'est un petit self. Entrecôte, riz et compote de pommes. A la cantine, il y a Jessica qui m'offre un café. Elle savait que c'était mon premier jour, le monde est petit.

Après quelques temps dans les papiers, R. me fait faire le tour des bureaux. Je rencontre une trentaine de personnes. Ils font tous des trucs. Ou sont expert bidule. Parfois responsable chose. J'ai tout oublié. Tout le monde me souhaite la bienvenue et quand on leur dit ce que je vais faire, ils ajoutent bon courage.

Vers six heures, j'ai fini les rapports. Demain matin, je les relirai (pas tout[3] compris). Et il me reste des gens à rencontrer. Et des noms à apprendre. Peut-être que j'aurai un ordinateur.

Je file, il fait nuit. Dans le bus, je lis. C'était ma première journée de travail.

Notes

[1] John Kennedy Toole, Penguin.

[2] 360, mon rang de sortie de l'x.

[3] Euphémisme.