Chers Lecteurs[1],

On parle souvent des difficultés liées à la recherche d'emploi. On oublie trop souvent qu'une fois l'emploi trouvé, les difficultés ne font que commencer.

Rythme biologique, ou l'épreuve du réveil.

Tout commence le soir, lorsqu'après une harassante journée de dur labeur, Morphée s'approche bras ouverts. Il faut alors régler le réveil matin. La conscience -nous n'irons pas jusqu'à la qualifier de professionnelle- commande une heure improbable (six heures !) tandis que la machine biologique implore un réveil en douceur (huit heures trente). Le sérieux l'emporte mais le corps se venge. A peine six heures plus tard lorsque l'heure -qui était vraiment déraisonnable- arrive.

Le réveil sonne, donc. Pour se donner l'impression de conserver le contrôle, le jeune travailleur repousse la sonnerie de dix minutes. Il peut même répéter l'opération une, deux ou trois fois. Ne craignez rien pour son heure d'arrivée au travail : il a pris en compte ce paramêtre lors du réglage de l'alarme[2].

Rythme citadin, où les bus créent des failles temporelles.

Une fois prêt, le jeune travailleur se rend à son lieu de travail. Pour cela -et pour sauver la planête-, il utilise les transports en commun. Le métro, hors incident, se comporte en système quasi linéaire tandis que le bus est un amplificteur de retard à seuil. Imaginez notre jeune travailleur en retard de trente secondes. S'il voyage en métropolitain, il arrive alors que la rame vient de quitter la station. Heure de pointe[3] oblige, la rame suivante est presque déjà là. Si par contre le jeune travailleur se déplace en bus, il arrive à un arrêt vide et le petit écran à cristaux liquides (nématiques) lui indique une attente de quinze minutes.

Rythme de travail, où les pauses comptent.

Quelqu'un a dû dire quelque chose qui ressemblait à : "ce qui fait la musique, ce sont les silences entre les notes"[4] (tiens au passage, cela disqualifie le Didjeridou en tant qu'instrument de musique). Au travail -car c'est de cela dont il s'agissait, mais évidemment toutes ces digressions n'aident pas à la compréhension-, c'est un peu la même chose. Il faut meubler entre les pauses. Pause café, pause repas, pause café[5], pause toilettes, etc.

Et quand je dis meubler, dans le cas de votre jeune travailleur, c'est au sens propre. En effet, je remplis peu à peu mon bureau. Le premier jour, j'y ai déposé une trousse[6], une boite de kleenex et un petit modèle réduit de la voiture de Gaston Lagaffe -un autre grand travailleur- offert par ma soeur il y a quelques années. Le second jour (hier), j'y ai ajouté quelques menues fournitures : cahiers spiralés, feutres, stylos, porte-mines et crayons papier[7], gomme, colle, etc. Le troisième jour, ce fut un ordinateur.

Pour les autres -qui n'ont pas la chance d'aménager leur bureau et de le déplacer parce que les fils électriques sont trop courts-, je ne sais pas comment ils meublent. Soit ils ont développés des techniques avancées de perte de temps, soit, lassés, ils se sont mis à travailler.

Mais qu'est-ce exactement que le travail ? Demain, j'essaie et je vous raconte.

A très bientôt

Darryl, votre jeune travailleur

Notes

[1] (Re)Lisez Kennedy Toole (John) et sa conjuration des imbéciles -en français, je crois que c'est un 1018, en V.O., a confederacy of dunces, chez Penguin-, on fait difficilement mieux.

[2] Où l'on constate donc que la micro grasse matinée n'est qu'une illusion. Torture le soir et -très léger- réconfort le matin.

[3] Une faute de frappe me souffle bien involontairement un jeu de mot : les pubs en Irlande n'ont plus le droit de servir après vingt-trois heures trente. Juste avant cette heure fatidique, tout le monde se rue au comptoir pour commander de quoi tenir quelques temps, c'est l'heure de pinte.

[4] Et si personne ne l'a dit, vous n'aurez qu'à dire que c'est de moi.

[5] Notez qu'il est idiot de boire son café juste après le repas, cela fait perdre une pause.

[6] Que je possède depuis le CE1, ce qui fait vingt ans, étonnant non ?

[7] Aucune redondance : les porte-mines c'est pour écrire, les crayons pour mettre dans la bouche.