Jeudi dernier, j'étais un peu au sud de Montélimar. Au centre nucléaire de production d'électricité du Tricastin pour être précis. Quatre tranches de 900 MW refroidies par l'eau du canal du Rhône débitant du courant pour l'usine Eurodif juste à côté. Gros ouvrages en béton gris, barbelés et caméras.

A l'accueil, contre une carte d'identité, on vous remet un badge magnétique et un petit papier sur lequel est écrit un code secret -unique et personnel- et l'inscription mémorisez votre code et détruisez ce papier. Il paraît que certains l'avalent, j'ai préféré la poubelle.

Il est conseillé d'arriver tôt si on annonce un mouvement social, le genre qui filtre à l'entrée. A sept heures donc, vous rencontrez une vingtaine de militants devant l'entrée, mais le filtrage se limite à l'obligation de dire bonjour et serrer les mains de tout le monde. Une fois cette formalité accomplie, vous vous retrouvez face à un tourniquet, genre ratp. Introduisez le badge, composez votre code, récupérez le badge puis entrez.

Vous passez la matinée à assister aux réunions de l'équipe Tranche En marche -qui s'occupe des performances de la centrale. Vous avez ainsi une bonne idée de la vie en centrale... Après un repas, c'est parti pour la visite (il vaut mieux avoir choisi un guide qui vous fait faire le grand tour...).

Tout commence par une anthropogammamétrie. A l'infirmerie, une machine qui ressemble à un scanner debout mesure votre radioactivité. Vous en repasserez une après la visite, c'est pour contrôler que vous n'avez pas été contaminé[1].

Une fois que vous êtes anthopogammamesurés, vous badgez pour entrer en zone protégée. Ensuite, vous enfilez une paire de chaussures de sécurité, un casque et des bouchons anti-bruit. Vous pouvez ensuite aller dans la salle des machines. Quinze mètres au dessus du sol, un énorme alternateur tourne à 1500 tours/minute -comme mon lave linge. Le rotor est entrainé par une sorte d'énorme éolienne à vapeur. Autour, il y a d'énormes tuyaux. Tout est énorme. Et ça fait du bruit. On vous explique qu'en dessous il y a des pompes des tuyaux, des condenseurs, des réchauffeurs, et que vous verrez le tout à la fin. Patience.

Après un petit coup de badge, vous quittez cet enfer sonore pour monter à la salle de commande. Vous vous retrouvez dans un film de science-fiction des années 70 : sur tous les murs, des pupitres avec des gros boutons, des voyants-alarmes et des schémas fonctionnels à lampes vertes. Ca fait vieux, il faut dire que les centrales ont été conçues dans les années 70 (premier couplage de Tricastin en 1980, vous souffle-t-on). Deux bonshommes sont là qui pilotent la machine : ils contrôlent la sécurité du bidule et font tourner les machins en actionnant des trucs et des choses. Sur le mur de gauche, il y a une étagère contenant les instructions de sécurité et les consignes accidentelles...

Ensuite, vous allez dans le bâtiment réacteur. Là ça ne rigole pas, l'entrée est restreinte et les visites ne se font que lorsque la tranche est arrêtée. Ca tombe bien Tricastin 1 est en arrêt pour rechargement. Vous passez un sas et vous vous retrouvez au vestiaire -celui où l'on se déshabille. La dame vestiaire vous échange votre badge contre un cadenas. Vous mettez vos vêtements dans un casier puis retournez voir la dame en sous-vêtements (vous, hein, pas la dame). Vous lui donnez la clef du casier, elle vous remet votre badge et un dosimètre électronique.

En introduisant votre badge et votre dosimètre électronique, vous passez dans un sas individuel -qui mesure votre radioactivité- et vous arrivez dans le deuxième vestiaire, celui où on s'habille. Chaussettes blanches, T-shirt et tenue blanche, gants blancs, chaussures de sécurité, résille pour les cheveux et casque jaune. Il y a de toutes les tailles, mais force est de reconnaître que la tenue n'est pas des plus seyantes.

Vous voilà désormais en zone chaude. Sur tous les murs, on trouve des avertissements : zone à déchets nucléaires, attention à la contamination... Les portes sont maintenant toutes très lourdes -quelques centimètres de métal-, il y a des fils et des tuyaux un peu partout. Un sas de mesure de radioactivité (encore un) plus tard, vous êtes tout près du coeur. La cuve est recouverte d'eau, le couvercle est enlevé et le combustible déchargé. Vous êtes dans un film de SF. L'eau est bleue, il y a des projecteurs et une énorme grue qui plonge à l'intérieur. Une petite dizaines de bonshommes blancs s'affairent autour de la grue : ce soir, le coeur sera rechargé.

(Les photos étant interdites dans une centrale nucléaire, celle-ci est tirée du site web d'edf.)

Autour de la cuve du cœur, il y a les trois générateurs de vapeur : ce sont de grosses cocottes minutes (l'eau du primaire chauffe l'eau du secondaire qui s'y vaporise). Un peu plus loin, il y a les pompes du circuit primaire. De bien grosses pompes. On vous montre une vanne qui fonctionne sous eau et sous vapeur. Bigre. En fait, une centrale nucléaire, c'est essentiellement des tuyaux, des pompes, des cuves et des vannes... Une affaire de plomberie.

A côté du bâtiment réacteur, il y a le bâtiment combustible : une grande piscine où le combustible usé refroidi doucement avant de partir pour la Hague.

Pour sortir, vous passez par quelques détecteurs à radioactivité. Vous vou déshabillez dans un vestiaire. On vérifie votre dosimètre et on vous rend votre clé. Il est temps de s'habiller. On vous montre des rails sous le bâtiment, c'est pas là qu'arrive le combustible. Et c'est aussi par là qu'il ressort. Vous repassez quelques contrôles et vous voilà sous la salle de machines du sixième paragraphe. Comme prévu, il y a plein de tuyaux, de pompes, de condenseurs, de réchauffeurs, de vannes... On vous explique que dans ce tuyau là, il y a l'eau du Rhône. Non ? Et si. Et dans celui-là ? Là, c'est de la vapeur. Ah.

Bon, il est temps de filer. Un petit tour par l'infirmerie pour l'anthopo' de contrôle -tout est normal- et vous pouvez sortir. Vous êtes bien content...

PS : si vous voulez plus d'infos sur le fonctionnement d'une centrale, n'hésitez pas à aller ici ou .

Notes

[1] Les anciens du Charles-de-Gaulle s'en souviendront...