Tout commence vendredi soir : Olivier -son frère- et Rudy -un ami de son frère- débarquent à la maison. Profitant de notre absence pour disposer d'un pied à terre parisien, ils comptent assister à un tournoi de hand-ball à Bercy. Frigo vide, nous allons faire un tour dans notre Monoprix favori et en sortons avec un roti de veau (800 grammes). Tu crois que tu sauras le cuisiner ? - Mais oui, ma mère en fait un excellent à la cocotte. Sophie a beau l'imaginer au four, marmiton me fournit un argument de choix : le roti de veau aux oranges[1]. Ca tombe bien, nous avons un filet d'orange qui s'ennuit dans la corbeille à fruits. Avec un peu de riz et de patience (une heure trente de cuisson), c'est tout à fait bon.

Nuit courte, réveil à six heures trente. Dur pour un samedi, heureusement que la gare Montaparnasse n'est pas loin. Voyage sans grand intérêt, nous dormons tout du long -le maître-mot du week-end : repos. Arrivés à Nantes, il pleut. Ah, la Bretagne. Un petit tour en tram et nous arrivons chez Papou et Mamou. Parquet et tapis, magazines désuets, meubles anciens recouverts de napperons réglementaires, pas de doute, c'est un appartement de grands-parents. D'ailleurs Papou et Mamou en sont -les grands parents maternels de Sophie- et ils sont charmants. Et leur déjeuner succulent.

Langoustines et crevettes en entrée. Gigot d'agneau -Pâques oblige- et haricots vert poursuivant. Jusqu'alors, j'ai toujours prétendu ne pas aimer l'agneau, et je crois bien que c'était vrai. Soit j'ai changé, soit Mamou sait y faire, j'en ai été le premier surpris, j'ai bien aimé[2]. Dessert : gâteaux de patissier, je suis tombé sur un empilement stratifié : crème au café, crême au chocolat, motif répété quasiment à l'infini.

Un petit café pour finir et tout est bien : chez Papou et Mamou, on se sent déjà en vacances[3]. C'est une question de vitesse, mais également de péoccupations. Mamou : Nous avons eu un imprévu, il y avait un avis de passage du facteur dans la boîte aux lettres... Heureusement, ça n'était pas grave, mais sans ça, Mamou aurait fait un gâteau. Après le café, Mamou nous interdit de toucher à la vaisselle et Papou va se reposer. Sophie et moi restons au salon, l'une à lire et l'autre à commencer ces quelques lignes.

Vers quatre heures, la pluie cesse, et d'ailleurs c'était plus de la bruine que de la pluie. Nous en profitons pour reprendre le tram, direction chez Mamie -la grand mère paternelle de Sophie. Elle vient nous chercher à l'arrêt et nous conduit chez elle. Mamie, c'est l'autre type de grand-mère. Sur le palier de son appartement, elle nous indique le bas de la porte voisine, on distingue deux ombres de pieds dans la lumière. Mamie chuchotant : C'est ma voisine, elle surveille mes allées et venues. Elle est un peu folle... Son appartement est moderne : canapés en cuir, grande télévision, chaîne stéréo[4]. Mamie n'a jamais été aussi occupée que depuis qu'elle est à la retraite -nous lui avons fait manquer un tournoi de belote. Elle pratique le bowling, ce qui ne lasse pas de m'étonner, moi à sa place j'aurai peur d'être entrainé sur la piste avec la boule. Dîner en toute simplicité : un roti de veau mijoté à la tomate[5] accompagné de riz.

Sur le coup de huit heures, nous prenons la direction de Sarzeau. Mamie nous a prêté sa voiture et l'a chargée de nourriture, nous ne mourrons pas de faim. Une petite heure et demie de route, conduite grand mère, pour ne pas trop changer les habitudes de la Seat Arosa. Arrivés à Saint Martin, nous ouvrons l'eau, allumons le chauffe-eau, le frigo, etc. en suivant scrupuleusement la check-list parentale. Et puis dodo. D'habitude -comprendre lorsque j'ai un impératif d'ordre horaire- je dors les rideaux ouverts, ça facilite le réveil. Mais là c'est les vacances. Rideaux fermés, j'ouvre un premier oeil vers onze heures.

Avant le petit déjeuner, nous nous attaquons à l'activité pascale infantile par excellence. Je cache un oeuf en chocolat au rez-de-chaussée tandis que Sophie fait disparaître Lulu -une grenouille en chocolat au lait- à l'étage. Placards autorisés. Quelques minutes de fouille et nous pouvons attaquer le petit déjeuner-brunch : yop/thé, tartines, petits gâteaux, chocolat, crèpes (sucrées et salées). Ensuite, un petit peu de voiture jusqu'à la pointe de la presqu'île. Il fait beau : grand soleil et nuages sur la mer, la vue est superbe. Léger vent, force 2 à 3 dans la baie, molissant dans la soirée. On attaque une petite ballade à pied, en prenant bien soin de ne pas marcher trop vite. On s'arrète de temps en temps. Il y a les vieux qui font leur promenade du dimanche, les chiens qui sautent partout et les gosses qui rigolent. Un petit coin d'herbe et nous nous asseyons quelques instants... On pourrait s'endormir tellement c'est chouette.

Retour à la civilisation au port du Crouesty, nous flanons dans les magasins. J'aime bien les magasins de bord de mer, mais moins que ma mère qui y trouve toujours de belles choses. On cherche des sets de table mais sans trop y croire. J'offre à Sophie un bob rigolo, qui fait été. Là, c'est l'endroit où cet été, j'ai embarqué sur Rhumbs, le bateau d'Aymeric. A côté, un type installe une girouette puis mate son trimarran. Nous dévorons un Ker-y-pom sorte de gros sablé avec une demi pomme cuite à l'intérieur, sous le regard gourmand d'un goëland. Un peu plus loin, c'est le magasin Murphy & Nye où Sophie a acheté un joli pantalon il y a deux étés. Derrière la Trinitaine -nous avons resisté à l'appel des galettes bretonnes- joue un petit groupe de jazz (guitare, piano, batterie et saxo). On en profite pour déguster des glaces de l'igloo, du cool dans les oreilles. Le soleil descend doucement, il commence à faire frais -l'été est encore loin. Nous repartons vers la voiture. Sophie hésite à rapporter un second couvre-chef. Finalement non. Moi par contre, je commets une folie pantalonnière. Allez soyons fous, il fait beau.

En repartant vers la voiture, nous croisons une petite vieille sur un vélo. Elle avance tellement lentement que les lois de la physique n'en croient pas leurs yeux. Un petit peu de route en bord de mer, c'est marée haute, et nous revoilà à la maison. Dîner du reste de veau à la tomate accompagné de pâtes fraîches. Soirée courte -on se couche à onze heures au plus tard- à choisir des photos à tirer.

Presqu'un tour de cadran plus tard, nous nous levons. La Bretagne, c'est le seul endroit où il peut faire beau d'un côté de la maison et mauvais de l'autre. Le temps de petit-déjeuner, le ciel s'est décidé, il fait très beau. Plus de soleil et plus de vent que la veille. Nous mettons le cap sur l'océan et relachons sur une petite plage. Je me mets machinalement à ramasser des galets -on les mettra dans un pot en verre à Paris- Sophie préfère les coquillages -on fera un deuxième pot.

Lorsque le vent nous a assez refroidi, nous allons vers une pointe, d'où la vue est belle, paraît-il. Quelques pas sur un petit sentier nous conduisent au point de vue. Effectivement la vue est belle.

Une pierre plate, nous sortons nos bouquins. Le téléphone de Sophie sonne -le mien est éteint- c'est son père, il a un problème d'ordinateur. Pendant de temps, Jack Aubrey[6] et sa Boadicea affrontent un cyclone au large de la Réunion. Je me dis que si je m'étais engagé dans la Royale, en ce moment, je serai officier en troisième d'un petit patrouilleur aux Antilles. Cette pensée m'amuse. Il faudrait que je refasse un peu de voile.

Nous continuons le long de la côte vers un petit bar. Je prends un Monaco et songe à la première gorgée de bière du papa de Vincent Delerm. Je me dis que tout au long du week-end, j'ai imaginé le récit que j'en ferai. Après quelques -derniers- pas en bord de mer, il est temps de partir. Nous emplissons nos yeux de ce spectacle (la mer) puis retournons ranger la maison. Ca consiste à refaire la check-list, à l'envers.

Retour à Nantes plus mouvementé que je ne l'aurai cru, la faute aux bouchons. On tente un intinéraire bis, c'est un échec. Au final, l'heure que nous avions prévu de passer chez Mamie est perdue. Le tramway nous emporte vers la gare. Dans le train de 21h, nous finissons American beauty commencé quelques jours plus tôt, puis je frappe quelques lignes. Arrivés à la maison, nous ne déballons pas les bagages, il est trop tard. Je m'endors saoulé par le soleil et le vent.

Notes

[1] Nous n'avions pas d'échalote, un oignon rouge a très bien fait l'affaire. J'ai rajouté un peu d'eau à mi cuisson, pour faire du jus.

[2] Je n'ai tout de même pas trop insisté sur le fait que son gigot était bon. Car voyez-vous, Mamou a un petit carnet bleu dans lequel elle inscrit les goûts (et dégoûts) culinaires de ses invités. Une fois un plat inscrit dans le carnet, impossible de l'y enlever. Ainsi Nicolas -grand frère de Sophie- se voit-il expressément servir du comté car il a eu le malheur de dire un jour que parmi tous les fromages, celui qu'il détestait le moins était le comté... On m'a donc prévenu : si tu n'aimes pas, dis-le. Comme la méthode est difficile à mettre en pratique -totale incohérence avec savoir vivre et politesse de base- je tente la méthode suivante : si j'aime je le fais savoir (les langoustines), si je n'aime pas, je ne dis rien et ne me ressert pas...

[3] Pour moi, les vacances, c'est le dépaysement.

[4] Seul point commun avec l'autre appartement : les tableaux qui donnent de la bande.

[5] J'ai adoré ce roti là, il était encore meilleur que l'autre à l'orange. Penser à récupérer la recette.

[6] Je me suis replongé dans les O'Brian. O'Brian était un irlandais vivant en France. Il a écrit une série de roman sur les aventures de Jack Aubrey -Lucky Jack- un marin anglais époque Napoléon. L'excellent Master and Commander de Peter Weir est une adaptation de deux de ces bouquins, la série en compte plus d'une douzaine. J'en suis au quatrième, Expédition à l'île Maurice, et j'aime beaucoup bien que ça ne soit pas une bonne lecture de métro -trop compliqué.