Avertissement préalable : contrairement à mon habitude chronophage, ce billet sera livré sans relecture, sans mise en forme. Il sera donc brouillon; fouilli. C'est voulu, c'est pour ressembler à la pièce.

Le rideau s'ouvre, une comédienne rentre, triste, elle s'avance et tout en pleurant nous explique que depuis qu'elle s'est remariée en 86... Elle se met à pleurer. La suite est incompréhensible et c'est drôle. Entre son mari, ils s'engueulent parce qu'elle est trop jalouse et ils gagent (du verbe gager : faire des gags). Ils sortent (c'est du Goldoni). Entre une dame -on l'a comprend mariée- poursuivi par un homme qui la drague. Arrive le mari. Et il se trouve que les deux types se connaissent (c'est du Feydau). Nestor -le valet- entre et annonce la femme du dragueur. Retour du premier couple, engueulade. Arrive un autre type qui est amoureux de la seconde femme tout en étant marié à une autre. L'autre en question est aussi une jeune qui est courtisée par le deuxième mari (c'est du Labiche). Jusque là, tout est simple. Nestor ré-annonce la femme, on rejoue la scène mais différemment. En plus dingue. Et puis ça continue.

Bon, quelques invraissemblances se sont glissées dans l'intrigue (ils l'avouent eux-mêmes), mais ça reste assez logique. En gros, il y a trois hommes, quatre femmes et un âne. Chaque homme est marié à une ou deux femmes et en courtise deux ou une. Pour les femmes c'est pareil, elles trompent leurs maris avec des amants qui trompent leurs femmes respectives avec leurs amantes qui sont leurs femmes. Quant à l'âne, il joue des claquettes. Pour ceux qui n'ont rien compris, à la fin, il y a un résumé.

Les comédiens sont incroyables, ils ont des gestuelles de dingue. Achille Talon -enfin, le Belge qui est habillé comme- particulièrement, qui se jette partout, mime l'apesanteur comme personne et joue avec son corps comme avec un cahoutchouc. Incroyable. Dans l'ensemble, ils font un peu comme les Robins des Bois -dans leur pièce éponyme-, mais en plus. En plus fou, en plus drôle. Niveau humour, c'est fin. Très fin. Voire pas du tout fin. Toutes les ficelles du boulevard y passent -au sens propre : un type sort des ficelles de sa poche- quiproquos, gags, incompréhension, surprises, mains dans les portes, pieds dans le bas-dos, accessoires. Plus des tours de magie (disparitions, coupages de tête, etc.). Et de l'absurde. Beaucoup d'absurde. Des appartés (l'art de parler au public, dans tous ses états), une navette spatiale, du Tex Avery. En fait, toutes les formes de l'humour y passent. Desproges, Monty Pythons, Buster Keaton, Feydau, Chaplin, De Funès, Comedia, Marx Brothers, Labiche, Woody Allen, Kafka, Laurel et Hardy... Bref, tout.

On rigole. Parfois aux éclats, parfois jusqu'aux larmes (en sortant j'avais du sel autour des yeux, c'est un signe). Parfois on sourit. Parfois rien. Parfois on s'ennuie. C'est un vrai festival. L'humour sous toutes ses formes (mais essentillement les moins intellectuelles, à l'origine, c'est une parodie de parodie de boulevard).

Quelques critiques, car tout n'est pas parfait, loin s'en faut. Les acteurs courent dans tous les sens, dansent, et souvent il y a une musique en fond sonore ; la scène et la salle sont grandes, il en résulte que parfois, on ne comprend pas ce qu'ils disent. La dame derrière moi a demandé un qu'est-ce qu'il a dit ? à son mari une quinzaine de fois, c'est dommage. D'aucuns apprécieront la performance, d'autres crtiqueront l'étalage. C'est vrai que la pièce est un exercice de style. J'ai beaucoup aimé et je comprends tout st pas parfait. Les deux heures quarante auraient gagné à n'en faire qu'une et demi. Il y a certaines scènes plus faibles et quelques répétitions. Bref, la pièce est trop longue. C'est d'autant plus flagrant que le genre est extrème : tout le monde n'apprécie pas cet humour -Sophie par exemple a abandonné à l'entracte- et une telle quantité peut être indigeste à la longue. Par ailleurs, les comédiens bougent beaucoup, sautent partout, courent... Je comprends que l'on puisse détester[1].

Un mot sur la fin de la pièce. En un quart d'heure, on assiste à un résumé des deux heures et quart qui précédent. Tout est millimétré et présenté avec précision. Le dernier quart d'heure est une merveille de mise en scène (un instant de recueillement en pensant aux nombreuses heures de répétition, ç'a dû être un sacré boulot). Bravo ! J'adorerai être dingue comme eux.

Notes

[1] Il doit falloir être un peu fou pour aimer ça, la preuve Fabien et Patrick...