Il y a des signes qui ne trompent pas : un jour, Audrey m'a dit que je ronflais. J'étais fatigué et enrhumé : deux bonnes raisons pour ne pas s'inquiéter. Mais depuis, d'autres témoignages délatoires se sont accumulés. Donc ça y est, je ronfle, je vieillis. Ce n'est pas tout : j'ai des cheveux gris sur les tempes. Cinq à droite et six à gauche. Parfois il me semble même que j'en ai un au milieu de la frange, ça dépend des jours. Si ça continue, dans cinq ans, je ressemblerai à Georges Clooney (une idée qui fait beaucoup rire Fleur). Donc ça y est : je vieillis.

Dernier exemple en date, je suis allé voir L'ivresse du pouvoir. Je m'attendais à un film tout à fait normal, or dans la queue du cinéma, il n'y avait que des vieux (45 et plus). Si ce film attire des vieux et que je vais le voir, c'est -en toute logique- que je vieillis. Enfin, presque. Car l'ivresse du pouvoir, ça m'a paru très vieux. il doit me rester un peu de jeunesse quelque part. Lueur d'espoir.

Ce film est lent. Le début, ça va : la juge d'instruction lisse comme le marbre veut faire tomber tous les pourris, elle est cassante, froide, et veut rendre justice. Bien qu'un petit texte avertisse le spectateur que "toute ressemblance avec des évènements existants est, comme on dit, fortuite", c'est l'affaire elf.

Et c'est lent. Lorsqu'il se passe quelque chose, c'est dans une ellipse narrative. C'est certainement parce que Chabrol n'a pas voulu se concentrer sur l'enquête -trop trivial, ç'aurait fait un film américain- il voulait plutôt se concentrer sur les personnages. Ca donne donc Patrick Bruel peu crédible dans son costume de pdg qui prend un accent de Versailles -mais un plan sur deux uniquement. Isabelle Huppert, aussi expressive qu'un cyborg, qui finit par être tellement antipathique qu'on se prendrait d'affection pour les pauvres pourris. Quelques seconds rôles frisent la caricature, tous les autres sont caricaturaux.

Chabrol ne s'intéressait donc pas aux individus, il voulait sûrement souligner la dureté des rapports humains. Ainsi la relation entre la juge et son mari - enfin la non relation : ils auraient pu se déchirer, se rapprocher, voire tout simplement se parler mais non, dès que le conflit s'installe, les personnages se séparent. Relations professionnelles alors ? De ce coté là, pas grand chose non plus. En fait, la lenteur est accentuée par l'absence de jeu -et d'interaction- entre les acteurs.

Un mot sur la musique ? Non, c'est bon, n'en jetez plus, il y a déjà assez d'horreurs comme ça. Que retenir de ce film ? Berléand. C'est tout. Ou alors, il faut être vieux pour aimer (ça y est, j'ai décidé que j'étais encore jeune).

Sur le même thème -ou presque- Syriana. Où l'on retrouve mon futur quasi-double grisonnant Georges Clooney. Alors là, c'est une autre approche. Le scénariste de l'excellent Traffic dénonce les magouilles au moyen orient des compagnies pétrolières américaines. Steven Gaghan est de ceux qui pensent qu'un bon film est nécessairement compliqué et que le spectateur doit faire un effort pour pleinement apprécier la séance. Dans cette optique, c'est réussi : de nombreux personnages -qui n'ont rien à voir entre eux- et de nombreuses ellipses narratives. La première heure est assez lente mais on se laisse porter par le film. Petit à petit, l'action prend le pas sur la description et le film devient captivant. C'est un véritable plaisir de reconstruire le puzzle.

Georges Clooney est -comme d'habitude- épatant. Matt Damon est -comme souvent- très bon. Jeffrey Wright est très bien -comme dans Broken Flowers. Les autres seconds rôles s'en tirent très bien. Sans être le film de l'année (quelques longueurs), Syriana vaut le détour. En plus, il y avait beaucoup de jeunes dans la salle.