8 h 35. Je sors du métro. Vent de face. Je ferme mon manteau et accélère. Je suis pas vraiment pressé d'aller travailler mais au moins j'aurai chaud. Le vigile congelé jette un coup d'oeil rapide à mon badge puis se cache derrière son écharpe.

Quelques pas dans la cour et j'entre dans l'escalier B. Arrivé au deuxième, je suis suffisamment réchauffé pour enlever mon manteau. 8h42. Après avoir traversé la moitié du bâtiment, j'arrive en B 02 045 - mon bureau. Malgré le froid (et ma courte nuit de sommeil), j'ai tout de suite remarqué que quelque chose avait changé. Hier en partant, j'avais laissé mon trieur fermé à coté du clavier. "Ils" m'ont pris mon trieur. Aucun document stratégique heureusement mais des papiers essentiels pour ma tâche du jour.

Deux options : 1) Je cherche mon trieur et je travaille - je suis là pour ça. Il y a deux mille personnes qui travaillent à Cap Ampère et "ils" peuvent être n'importe où. 2) Je ne cherche pas mon trieur et ne travaille pas - "ils" avaient certainement une bonne raison pour m'empêcher de travailler... La deuxième solution est séduisante à bien des égards. Mais voilà pour ne pas attirer l'attention, le mieux serait de faire semblant de travailler. Or "ils" m'ont aussi piqué mon clavier. Et l'ordi qui va avec.

Sans trieur et sans ordinateur, mon bureau paraît bien vide. D'autant que le bureau lui-même n'est plus là. De même que les fauteuils et les armoires - c'est ce qui me fait dire qu'"ils" sont "ils". Car elles sont lourdes les armoires.

Un type passe dans le couloir qui pousse une armoire sur un diable. Je lui demande si c'est aujourd'hui que je déménage. Oui, vous devriez parler avec le monsieur du bureau d'à coté, il a vos affaires. Le monsieur du bureau d'à coté m'explique que je vais en D 02 023 ce matin. Puis en D 02 034 cet après midi. Et que j'aurai mon bureau définitif mercredi, en D 02 118. Quant à l'ordinateur, on ne sait pas trop quand il sera de nouveau accessible. Par contre il ne sait pas où se trouve mon trieur.

Un peu plus loin, un type remplit une poubelle avec les classeurs qui servaient de raison d'être aux armoires de mon bureau. Il m'explique qu'il a déjà fait deux voyages. Non, il n'a pas vu de trieur jaune avec un smiley "Evolution".

Cette journée s'annonce mal.