Ce fut facile à trouver, le rayon gâteaux de mon Stéréoprix de quartier en débordait. Facile. Trop facile.

Y avait-il un piège ? Apparemment pas, les sachets de plastique indiquaient clairement ce qu'ils contenaient et -pour peu que l'on faisait confiance à l'industrie agroalimentaire- c'était bien de la poudre d'amande. Mais il y avait plusieurs marques. Les poudres d'amande étaient-elles de qualité (physico-chimiques) différentes ? Comment choisir ? J'aurais pu demander au commanditaire s'il avait une granulométrie préférée, si un coulage lui convenait mieux ou que savais-je encore mais par crainte d'être pris pour une andouille, je pris sur moi de choisir le plus joli paquet.

J'étais tout de même troublé d'imaginer que les Italiens ne puissent se procurer un produit d'apparence tellement anodine. Etait-ce en fait une question de rareté ? Peut-être les Italiens font-ils du soutien à la production locale d'amande en imposant de quotas à l'importation. Pour l'ami, cela devenait une question de quantité. N'ayant jamais eu à préparer de frangipane, j'étais totalement ignorant de la quantité raisonnable qu'il me fallait en apporter. Et j'imaginai Laurent, face à mes dix grammes de poudre d'amande, sourire forcé et pensant quelle andouille ! il ne sait pas qu'il en faut au moins 2kg pour le moindre gâteau ?! Là encore, je ne pouvais que faire confiance au vendeur de poudre d'amande. L'unité était le cent vingt-cinq grammes, il devait bien y avoir une raison.

Mais quand même cette histoire de poudre d'amande me paraissait bizarre. Etait-ce bien de la poudre d'amande que l'on me demandait ? Poudre d'amande, coke en stock, pour peu on aurait pu penser à un nom de code. Me demandait-on une marchandise différente ? Une marchandise prohibée ? De la drogue ? Jamais je ne me serais lancé dans un trafic, je manque déjà de temps, mais dépanner un copain, ça ne se refuse pas...

Si jamais il voulait réelement de la poudre d'amande et que je lui apportai de l'héroïne, il serait certainement surpris. Impossible de faire de la frangipane, il m'aurait pris pour une andouille. Oui, mais si jamais j'apportais de la poudre d'amande, de la vraie, de la bonne, pas coupée, alors que tout le monde sait que poudre d'amande est le dernier nom à la mode de la cocaïne, là encore j'aurais l'air fin.

Dilemme insoluble. J'en parlai, on me dit que de toutes façons, je ne saurais pas me procurer de la poudre illégale. J'optai donc pour l'amande. La vraie.

Et j'ajoutai une bouteille de vin, parce qu'on ne sait jamais.