J'étais jeudi à Marcoule, joyeux centre de R&D du CEA et site industriel d'Aréva.

Badge

L'image est trompeuse, je n'y étais pas en tant que représentant syndical. CTFC, dans mon cas, veut dire Consolidated Fuel Treatment Center. C'est, en français, une usine de retraitement du combustible nucléaire usé. Bref, une usine comme à la Hague.

Les Américains projettent d'en construire une. Aréva aimerait bien être dans le coup. Quant à moi, je me retrouve depuis peu embarqué dans ce joli projet ; du côté de la coordination ingénierie[1]. Enfin, pour l'instant, j'apprends.

J'apprends des choses sur l'économie des différentes stratégies de gestion du combustible irradié. J'apprends les procédés et technologies de recyclage[2]. J'apprends le contexte -hautement politique- qui encadre ces problématiques. Et j'apprends comment Aréva mène son projet pour gagner le contrat[3].

Voilà vous savez tout sur ce qui occupe mes journées.

Retournons à Marcoule, puisque mon travail comprend une partie tourisme industriel. C'est là qu'a été construit le premier réacteur nucléaire français -aujourd'hui en cours de démantèlement. C'est là que se situait la première usine de récupération du plutonium (pour usage militaire) transformée par la suite en usine de retraitement du combustible usé -aujourd'hui en cours de démantèlement. C'est là que se trouve Phénix, le premier réacteur à neutrons rapides français -qui tournera jusqu'en 2008.

C'est aussi là que se trouve Mélox, la première usine dédiée à la fabrication du Mox -un combustible pour centrales nucléaires utilisant du plutonium au lieu d'uranium- que je visitais jeudi.

Comment vous décrire[4] Mélox ? Imaginez Beaubourg. Un gros batiment parallèlépipédique avec plein de tuyaux colorés apparents à l'extérieur. Et bien, Mélox, c'est la même chose, en plus petit et avec les tuyaux à l'intérieur.

Pour entrer sur le site, il faut être attendu -et il faut que le vigile soit au courant. Au second poste de garde, on vous remet un badge contre une pièce d'identité. Ensuite, vous pouvez franchir une barrière sandwich (grillage - barbelé - fil électrifié - barbelé - grillage). Puis direction vestiaire. Une fois encore, j'ai revêtu l'habit de lumière.

Oui, bon, façon de parler. Il s'agit d'une combinaison intégrale blanche, avec chaussures de sécurité, masque à gaz et ceinture à détecteur de criticité. Pas très sexy. Cette fois-ci, il n'y avait pas sur le dos la petite fleur de l'entreprise préférée des Français, mais un A ressemblant furieusement à celui d'Autogrill.

Pour entrer dans l'usine proprement dite il baut badger avec un dosimètre électronique. Le décor est ensuite monacal : murs crèmes avec une bande de couleur (qui dépend de la zone qui dépend de la proximité des produits radioactifs). Au plafond, des tuyaux et des fils électriques.

Dans cette usine, on mélange de la poudre d'oxyde de plutonium à de la poudre d'oxyde d'uranium. On presse pour obtenir des pastilles. On met les pastilles dans des tubes et on regroupe les tubes. En entrée, des produits du recyclage de combustible usé. En sortie, des assemblages de combustible tout neufs. Le pilotage est centralisé dans une salle de commande : on peut y voir la poudre avancer...

Toutes les étapes du processus sont enfermées dans des boites à gants. Ce sont des boites étanches en verre renforcé au kevlar. De nombreuses trappes permettent d'agir sur l'intérieur de la boite tout en restant à l'intérieur via un gant -qui est solidaire de la paroi de la boite. C'est clair ? Bon, c'est comme dans les films où l'on manipule des produits chimiques...

A chaque fois que l'on quitte une salle, il faut mesurer sa radioactivité sur les mains et les pieds (pour vérifier qu'on ne risque pas d'emporter des particules radioactives et donc contaminer l'extérieur).

Il faut bien l'avouer, c'est moins impressionant qu'une centrale nucléaire, mais bon, je pourrais dire que j'ai touché un assemblage de mox (en espérant que ça en jette dans les salons à la mode).

Notes

[1] Ca veut dire que je -enfin je... pas moi... pas tout seul... c'est un je collectif- doit faire travailler des gens de r&D et d'ingénierie, de France des US et du Japon, pour obtenir une usine qui marche, pas trop chère de préférence.

[2] Avec un peu de courage, ça pourrait faire des notes intéressantes.

[3] Ca par contre, pour d'obscures raisons -confidentialité, politesse, discrétion...-, je n'en parlerai pas sur cette page. Et pourtant, j'en aurais des choses à dire.

[4] Les apareils photo sont interdits dans ce genre d'installation.