Cliché : devant chaque monument parisien s'expose une foule de touristes, appareils photos en bandoulière. Tous cherchent à fixer leurs souvenirs, sur papier ou en jpeg.

Octobre 2001, ouverture : mon premier appareil - un Minolta riva zoom 150 - acheté à la Fnac de Clermont-Ferrand peu avant mes six mois dans la royale. Objectif : ramener des souvenirs. Il était donc petit et simple. A l'époque, je n'y connaissais rien. Les appareils me semblaient compliqués et les photographes m'impressionnaient moins que les peintres - c'était une affaire de technicien.

Sur mon gros bateau gris, j'ai rempli 9 pellicules. Développées en bloc à mon retour. Déception : la plupart des photos étaient trop fouillies, pas lisibles. Et surtout, elles ne cadraient pas vraiment avec mes souvenirs - pas assez d'humains.

Eté 2001, croisière méditerranéenne sur le Piroccho, j'ai embarqué mon compact et fait quelques clichés valables. Révélation : le paradoxe de la photo souvenir. Dans la vraie vie, on ne se voit pas ; dans les albums photo, si on ne se voit pas, ce n'est pas un souvenir ; or celui qui la prend n'est pas sur la photo.

Février 2002, voyage en Egypte. Toujours avec mon compact. Déclencheur : au milieu des photos de vacances, pour la première fois, j'ai essayé des compositions. Tout d'abord, l'alignement de parasols sur une plage, puis un caillou devant la mer et un coucher de soleil... Depuis, j'ai un grain : j'aime prendre des photos.

Peu de temps après, je me suis décidé à acheter un réflex. Pour le bruit de l'obturateur et la vraie netteté à travers l'oculaire (snobisme ?). La technique s'est révélée bien plus facile à maîtriser que je ne l'imaginais. D'un autre coté, j'ai découvert qu'il ne suffit pas de viser quelque chose de joli pour obtenir une belle image. Tout est affaire de composition.

Pas grave, j'essaie. Et me console en songeant que même les vrais photographes ont rarement plus d'un bon cliché par pellicule. Un ami, Aymeric, est un ardent défenseur de la photo statistique : plus on en prend et plus on a de chance d'en faire une bonne. Tout est affaire de vitesse.

J'ai commencé à photographier ce que j'avais sous la main : bateaux et paysages. Puis j'ai élargi le champ. Depuis la nuit blanche 2003 (et les bulles de savon dans l'hôtel de ville), je suis du genre à prendre mon (tré)pied la nuit. J'ai développé une affection particulière pour les jeux de lumière et les photos nocturnes - particulièrement quand il pleut : I'm shootin'in the rain... - et je prends mon temps. Tout est affaire de sujet.

Pour les humains, c'est plus compliqué car ils ne se laissent pas faire. Développons : une photo ratée et c'est la révélation : "je ne ne suis pas photogénique". Dès lors, la simple apparition d'un objectif déclenche une gimace. Evidemment le photographe compulsif ne peut pas se retenir et l'image est ratée. Le sujet obtient donc la confirmation de sa non photogénie. Pas facile de briser le cercle vicieux mais la quantité peut aider. Une photo, le sujet s'effarouche. Dix photos, il s'agace. Vingt ou trente, il s'habitue et redevient naturel. Tout est affaire de quantité.

Février 2005, j'ai suivi un séminaire à l'engref, où un sadique nous forçait à remplir une pellicule de photos de rue en une heure (distance de mise au point max. : 1 m) - de quoi heurter ma sensibilité. Dans ces conditions, le photographe travaille dans la vitesse - il n'a qu'une seule chance. Il lui faut décider ce qu'il veut montrer, il s'expose. Tout est affaire de point de vue.

Mon appareil idéal : réflex discret, sans artifice. Un trépied et peut-être un flash d'appoint. Numérique ? Oui car ne limite pas le nombre de clichés.

Planche contact idéale : un paysage, un voilier, une ville de nuit, des reflets sur l'eau, des effets de lumière, une photo de rue et un portrait - mais uniquement en extérieur, le studio c'est trop artificiel.

Noir et blanc ou couleur ? Un photo en noir et blanc est toujours plus belle. Sauf si la couleur est plus jolie.

Ce week-end, Sophie a acheté un sous-verre pour une de mes photos, c'est la première que j'ose afficher... Tout est affaire de temps de pose.