Chaque matin, Michael Bay chante sous sa douche (sur un air québécois traditionnel) :

J'aurais voulu réaliseeeer
Des films d'auteur oscariséééés
J'aurais voulu pouvoir dirigeeeer
Pour êtr' enfin bien critiquééé...

Enfance contrariée, le petit Michael voulait faire des films d'auteur et est tombé dans la marmite d'effet spéciaux blockbuster par erreur.

Son indéniable talent pour enchaîner fusillades, explosions, caramolages, course-poursuite, canardages et autres plein dans les yeux, plein dans les oreilles a rapidement attiré l'oeil du producteur qui murmurait à l'oreille des artificers (Jerry Bruckheimer). Qui lui a proposé Bad Boys.

Un tel budget pour un premier film, ç'aurait été une aubaine pour n'importe quel réalisateur. Sauf pour Michael Bay, qui rêvait d'autre chose. Il en discuta avec Jerry. Et cette discussion -historique pour le cinéma- allait poser les premières pierres du manifeste Michael Bay pour un film d'action d'auteur[1]

Jerry Bruckheimer : Il y a des soldes dingues sur les explosifs, c'est le moment idéal pour faire un bon film.
Michael Bay : On ne peut pas faire que de l'explosion...
Jerry Bruckheimer : Meuh si, les gens veulent toujours plus de spectaculaire. Pour vendre, il faut tout exploser. Notre argument, c'est le poids de C4 qu'on a utilisé pour les effets spéciaux !
Michael Bay : Mais le cinéma, c'est plus que ça.
Jerry Bruckheimer : ???
Michael Bay : Avant d'être une spectacle, le film doit rendre les gens meilleurs.
Jerry Bruckheimer : Ok coco, je vois ce que tu veux dire : avant de faire tout pêter, on fait du film d'auteur.
Michael Bay : Enfin, quand je dis "avant"...
Jerry Bruckheimer : Oui oui oui, je vois très bien ce que tu veux dire : une première partie qui nous met les critiques dans la poche et une deuxième qui fait entrer les dollars.
Michael Bay : Non, mais c'est à dire que, euh...
Jerry Bruckheimer : Pour faire simple, on dit une heure, une heure. Tu commences par une heure pour faire ton truc là et ensuite une heure sérieuse où on casse du décor !
Michael Bay : Je ne sais pas si...
Jerry Bruckheimer : Et le mieux c'est que dans la deuxième partie, tu exploses tout le C4 qu'on avait prévu pour les deux heures de film, ça fait deux fois plus d'explosion à la minute, ça c'est vendeur. On tient un bon truc, coco.
Michael Bay : Ben, si tu le dis...

Ainsi, de cette nouvelle doctrine esthétique est née une génération de film duaux : une première moitié typée film de genre et une seconde multipliant les effets sonores et visuels.

Ainsi, Bad Boys, mi buddy movie, mi course poursuites.

Puis Armageddon qui commençait par un film sur les délicats rapports familiaux avant de sauver le monde.

Qui se souvient des scènes de combat de Pearl Harbor ? Personne. Mais tout le monde se souvient de la comédie romantique du début[2].

La première heure de The Island était un bon film d'anticipation, critique de notre société consuméro-techno-moderniste déshumanisante, à la Orwell. Ensuite, les cascadeurs prenaient le relai.

Et enfin Transformers.

Pourquoi Transformers est un mauvais film ?

Trop. Et trop, c'est trop.

Trop bruyant, trop remuant, trop explosant, trop assourdissant...

Trop invraissemblable. Mais qu'avaient fumé les scénaristes pour pondre un truc si naze (c'est d'autant plus étonnant qu'ils ne s'y sont mis qu'à deux, c'est généralement à quatre ou cinq que l'on atteint quelque chose de si nul) ?

Trop d'effets spéciaux. Mes transformers étaient des jouets assez simples. Ceux du film se transforment tellement qu'on ne voit plus les éléments de carrosserie. Il est tellement facile aux robots de se transformer en tout et n'importe quoi que ça n'est plus impressionnant.

Trop de bons sentiments. Juste avant le combat final, Optimus : Humans deserve to be protected, I've sensed some good in them. They're a young species, they must learn. Au beau milieu du combat final, Megatron : Humans don't deserve to live, they're weak - Optimus : They deserve to choose for themselves. Après le combat final : Humans have proven they're good! They have courage. Blablabla. Vraiment indigeste. Et encore plus indigeste car prononcé par un tas de boulons insipide.

Et pour finir, trop long.

Pourquoi Transformers n'est pas passé loin de ne pas être un mauvais film ?

Parce que les effets spéciaux sont impeccables. L'insertion des images de synthèse est invisible. Les jeux de caméra sont impressionnants et les batailles joliment chorégraphiées ?

Un peu, oui, mais surtout parce que la première heure est drôle. Vraiment drôle. Shia LaBoeuf a un tchatche épatante et le réalisateur place son gentil looser débrouillard dans des situations délicieusement absurdes.

La scène de drague, où notre héros est bien aidé par sa voiture. La scène chez ses parents où les cinq robots géants essaient de passer inaperçu dans le jardin (Transforming into a truck in my backyard is NOT hiding!). L'interrogatoire par le méchant robot (Are you eBay username ladiesman127?!) et beaucoup d'autres.

Au final et même s'il est très drôle, Transformers n'est pas un bon film. Ce n'est pas un bon film nul, les défauts sont trop flagrants (et surtout tout second degré est oublié dès que les artificiers débarquent). Dommage.

Notes

[1] C'est le film qui est d'auteur, pas l'action.

[2] Et la scène du bouchon de champagne.