Ensuite, il te drive à sa meilleure table et convoque l'apéro. Kir, pain et quelques ramequins de tapenade, aubergines marinées, carottes assaisonnées.

Moustachu, la cinquantaine, le patron est assis à la table d'un client -un habitué- et parle musique. De loin il te harangue. Alors les jeunes, c'était bien le marché ? - On a eu froid... - Ah j'ai ce qu'il te faut l'artiste. Amène donc de l'antigel pour les jeunes... Le pichet de blanc et la crème de cassis débarquent. Tant que t'y es, amène aussi un peu de solide. Une deuxième assiette de tapas fait son entrée. Il cause familier (sens éthymologique) et en deux secondes, tu deviens son meilleur ami.

Apéro vite englouti. Il s'asseoit à ta table. Qu'est-ce que vous prenez la jeunesse ? Une immense ardoise au mur détaille les plats. Cuisine française traditionnelle : steack au poivre, boeuf bourguignon, truite aux pommes de terre... On imagine une mamie aux fourneaux.

En entrée, deux moules et trois terrines pour mes amis... En plat principal, il n'y a plus qu'une truite. Je prendrai bien un boeuf bourgignon. - T'as raison ma belle, il est pas mal. Une autre hésite avec le poisson. Et tu peux mon ange, les deux sont bons. Prenez, et si ça vous plait pas, on change... Va pour quatre bourguignons et une truite. Un rouge pour aller avec. Il paie pas de mine mais il est sympa.

La terrine atterrit. Prenez-en autant que vous voulez, hein... - Elle est très bonne votre terrine. - Ah ça tu sais, je m'en fiche, ça me laisse complètement indifférent. - N'empêche qu'elle est bonne. - Eh ben mange-en un peu plus mon amour, au lieu de causer... Les moules farcies ont l'air sympa aussi.

L'entrée est à peine finie que la faim n'est plus qu'un lointain souvenir. Le patron s'asseoit à ta table et tape la discute. Les soirs, le restau fait guinguette : y'a du jazz, de la magie, de l'accordéon, des fois on danse. Il cherche de jeunes musiciens, genre chansonniers, et nous demande de faire passer le mot. Pour la cuisine, on fait simple : des recettes à l'ancienne. Des habitués -il suffit d'être venu une fois pour être un habitué- trainent au bar ; tu imagines que ce restau a une vie propre.

Deux timbales en cuivre se posent : boeuf bourguignon. Surtout n'hésitez pas à en reprendre si vous en voulez plus... Un vrai régal son boeuf. On a beau lui dire, il s'en fout : c'est pas lui qui cuisine... La truite a l'air chouette aussi. Tatiana lui demande d'où viennent les tableaux qui décorent le restau. Voilà ma belle, il revient avec l'adresse du peintre.

Pour les desserts, sorbets et craquants au chocolat. Avec le café, il te passe une boîte en fer pleine de bonbons. Sers-toi... Sa dame sort de cuisine, on la félicite. On discute encore un peu, puis c'est l'heure de partir. Une bonne sieste par là-dessus et l'après-midi sera parfaite. Salut les jeunes, à la prochaine.

On reviendra aux beaux jours pour profiter de la terrasse en bord de Seine.