Aviez-vous remarqué[1] que dans les Batman de Tim Burton on ne voit presque jamais Batman ? Et que cela ne les empêche pas d'être d'excellents films ?

Bruce Wayne est reclus (et insipide). Batman est absent et même noyé sous une montagne de gadgets rigolos. Et d'ailleurs si Michael Keaton est un bon acteur, il n'arrive pas à la cheville des seconds rôles. 

Les méchants, eux sont sacrément gratinés et donnent le ton des films. Jack Nicholson en joker anarchique euphorisé. Danny De Vito en pingouin paranoïaque animal. Michelle Pfeiffer en Catwoman dangereusement langoureuse...

Gotham est gothique, dérangée. Elle sonne comme un amphithéâtre vide. Un décor. Un substrat sur lequel Tim pose son ambiance dissonante.

*

Évacuons rapidement le cas des Batman de Joel Schumacher.

Voilà. 

*

Et Christopher Nolan reboota Batman. 

Dans un Gotham poisseux où les anarchistes dérangés creusent la fêlure d'un héros sombre et dérangé lui aussi. 

Avec une galaxie d'acteurs épatants au service de personnages taillés comme des rocs, tous plus ou moins fous. 

Batman begins. Le début, donc. Où le héros explore son coté sombre. Et se découvre héros bien aidé par son portefeuille sans fond - pas besoin de super pouvoir, il suffit d'être super riche - même principe qu'Ironman mais des ressorts très différents.

Why do we fall?

Un film fort, où la folie des personnages dérange légèrement et détonne au milieu des blockbusters lisses.

The Dark Knight. Le summum, où l'incroyable interprétation du méchant éclabousse le film de sa folie chaotique.  

I'm an agent of chaos.

Une plongée intense, dès la première scène, dans un film efficace mais heureusement doté d'une âme. Une construction rigoureuse dans laquelle évolue des personnages browniens. Et un film élégamment malsain.

The Dark Knight Rises. La fin du cycle. Et le bon équilibre entre un héros qui se reconstruit, un méchant qui affirme sa brutalité et des seconds rôles bien posés.  

So we might learn to pick ourselves up.

Mais surtout, ce film est la minutieuse chronique d'un monde qui s'écroule. Une révolution armée en plein cœur de Gotham / Manhattan... Violente. Dure. Impossible, mais tellement crédible. 

Comme d'habitude, Nolan est entouré d'acteurs fantastiques : Tom Hardy, corps hypertrophié, voix déformée, est brutalement terrifiant. Anne Hathaway, dont les oreilles de chat sont en fait des lunettes, fait chavirer un Christian Bale frêle et fragile sous tous ses masques... Sans oublier tous les autres... Rien que pour les acteurs, le film vaut le coup. Alors si on y ajoute la minutie de Nolan  qui filme avec la même passion les catastrophes en IMAX (le stade qui s'écroule) et les scènes les plus intimistes, c'est tout bon.

The Dark Knight Rises nous en met plein les yeux, plein les oreilles, plein la tête et le cœur. A voir absolument - après avoir (re)vu les deux autres...

Note

[1] Je pense que oui, car je vous crois cinéphile, Lecteur.