Souvenez-vous : au milieu des années 90, nous sortions tous de notre période Nirvana-grunge et notre trajectoire musicale hésitait deux directions : vers plus de rock (Metallica) ou plus de pop (Oasis).

En fait, ce n'était pas vraiment une question de musique -Metallica comme Oasis se laissaient écouter- mais une histoire d'attitude.

Les Metalliqueux étaient persuadés d'être les plus rebelles car ils avaient les cheveux longs, des T-shirts noirs (avec des têtes de mort) et ils écoutaient du bruit.

Les Oasis-Oasis-Oh Oasis-Oasis-ah étaient bien conscients que ce qu'ils écoutaient était plus consensuel, mais ils se consolaient avec les provocations et grandes-gueulismes de leurs idoles.

Au lycée c'était presque du 50/50. Autant dire que l'appartenance à l'une ou l'autre de ces catégories ne qualifiait pas vraiment un rebelle.

Les vrais rebelles écoutaient de la vieille chanson française (dite à texte) ou de bons vieux rocks (70s ou mieux 60s)[1].

Ou alors ils écoutaient (en boucle) un groupe ayant sorti un tube[2] sur un premier album entêtant au son rock-rétro-moderne, enchainé avec un album sombre pop-trip-hop et prolongé d'un album lumineux bluesy-cuivré-balade : eels. Ces rebelles-là [3] avaient choisi d'être à chaque fois surpris par un groupe protéiforme.

Aujourd'hui encore, Eels est le seul groupe dont j'achète tous les disques les yeux fermés[4].

Mais revenons au Bataclan où la salle se remplit doucement tandis que sur scène deux nanas se strip-teasent. Etrange. Ensuite, Jesca Hoop, chanteuse bluesy-folk à guitare, fait la première partie. Mouais.

S'en suit la traditionnelle préparation de scène. A chaque fois, je suis supris du temps qu'il faut pour accorder une guitare et tester trois micros - et surtout, je ne comprends toujours pas pourquoi il faut le faire alors que la salle atteint son point de fusion[5]. Si c'est pour faire monter la tension, c'est idiot, on a déjà attendu des jours avec les seuls tickets puis des heures devant la salle...

M'enfin, tout vient à point... et les barbus de eels finissent par débarquer dans un vacarme du tonnerre. Formation rock : deux cuivres (et flûtes), trois guitares (dont E, le chanteur), une basse, une batterie. ils attaquent un Flyswatter dopé et accéléré (comme la plupart des titres du soir, réinterprétés pour en faire des morceaux plus denses, plus rock). Les titres s'enchaînent sans temps mort, les gratteux alternent électrique et folk, les zikos s'amusent sur des morceaux millimétrés et au milieu, E, caché derrière une barbe à la ZZ-top s'éclate dans un registre à 180° de ses derniers albums[6] - on imagine déjà la prochaine tournée, intimiste, piano plus violon, la part belle aux ballades... Mais en attendant, ce soir, grosse énergie, mais aussi de l'humour : on sent les eels très à l'aise sur scène, face à un public de rebelles qui n'en perd pas une miette...

Rock-show un brin barré, eels, j'adore !

Notes

[1] Et d'ailleurs ils étaient rebelles sans le vouloir puisqu'ils écoutaient ça par goût.....

[2] Assurance de ne pas être complètement à côté de la plaque.

[3] Et ils n'étaient pas nombreux, ce qui qualifie leur rebellitude.

[4] Mais les oreilles ouvertes... Et eels est sacrément prolifique : 3 albums ces 18 derniers mois.

[5] Pas de blague, il fait tellement chaud qu'on se liquéfie sur place - le Bataclan est une sorte de sauna, avec un groupe de rock....

[6] Il faut dire qu'E semble mettre un point d'honneur à se mettre là où on ne l'attend pas.