1. Les photos, tu aimes les prendre, mais tu aimes les regarder aussi, j'imagine. Alors tu es plutôt Doisneau ou Ronis ?

En effet, j'adore prendre des photos ; hélàs je suis bien souvent déçu par le résultat, et je dois me consoler en admirant les réalisations des autres.

Le premier nom qui me vient à l'esprit n'est ni Doisneau ni Ronis, c'est Plisson dont les images de mer tapissent mes murs. Ce sont des invitations au rêve, au voyage. C'est juste beau.

Certes, j'en conviens, cela ne répond pas à la question. Alors, Doisneau ou Ronis ? Pas simple car tous deux ont des styles assez proches, des scènes du quotidien, en noir et blanc, instants volés souvent amusants.

En voyant ces images, je pense à Maigret, à Burma, à des atmosphères enfumées dans de rades minables, ou à des enfants en culotte courte dégelant l'encre dans une salle qui sent la craie. Mais ces images sont nostalgiques d'une période que je n'ai pas connu, elles me touchent moins.

Oui, ça ne répond toujours pas à la question. Allez, s'il en faut vraiment un, ce sera Doisneau.

2. Tu es plutôt cinéma ou restaurant ?

Sacré dilemme ! Que l'on pourrait résoudre par la facilité : je préfère un bon restau à un mauvais film et un bon film à un mauvais restaurant, mais j'imagine que cela ne qualifie pas comme réponse satisfaisante.

Autre proposition, le restaurant à deux, c'est mieux, de même que le cinéma seul. Là encore, c'est un peu capillotracté.

Tâchons donc de comparer méthodologiquement.

Pour le toucher, le fauteuil molletonné à gros accoudoirs du cinéma l'emporte haut la main.

Pour le goût et l'odorat, impossible de comparer les pop-corns et autres glaces avec la moindre salade de chèvres chauds (même pas besoin d'en appeler aux saint foie-gras et coquilles Saint-Jacques).

Rayon vue, le cinéma offre un spectacle en deux dimensions sur un écran aux dimensions limitées tandis que celui produit par un restaurant est en 3D/360°. Mais décors et actions sont moins variés.

Côté son, le restaurant cultive le brouhaha tandis qu'au cinéma, il n'y a pas de bruits parasites. Par contre il est impensable d'y tenir une discution.

Allez, s'il faut trancher -et c'est un vrai déchirement-, je choisis restaurant. Car, le lendemain, il en reste toujours un souvenir plus vif. Au moment de monter sur le pèse-personne.

3. Pour un Auvergnat, aimer le rugby je comprends, mais la voile, est-ce bien raisonnable ?

Non, c'est complètement déraisonnable et même assez inattendu.

Tout a commencé lors de vacances à Carnac où mon oisiveté ennuyait mes parents. Ils m'ont donc forcé à faire un stage d'optimist. Le premier jour, il a fallu me traîner jusqu'au yacht club et quelques heures plus tard, je ne voulais plus descendre du dériveur.

Une fois les vacances terminées, mon papa a acheté un numéro de bateaux -le magazine de la plaisance-, je l'ai lu et relu jusqu'à le connaître par coeur. Je me suis mis à construire des modèles de voilier en légos et ai dévoré des livres sur la voile...

Depuis, j'ai sauté sur chaque occasion.

Et ces derniers temps, la voile me manque...

4. Tu travailles, si je ne m'abuse, dans le domaine de l'environnement, et tu traverses régulièrement l'Atlantique en avion, est-ce bien raisonnable ?

Tout d'abord, merci de remarquer que je travaille dans l'environnement[1], un certain nombre d'intégristes n'en sont pas convaincus.

Evidemment, je pourrais arguer que si je traverse l'Atlantique c'est pour aider les pauvres Américains à gérer leurs déchets nucléaires -un petit mal pour un grand bien-, que ce que je fais permettra de modifier le mix énergétique US en diminuant leurs sources de CO2 -un grand bien-, que la plupart du temps mes contacts transatlantiques sont filaires -un petit bien au quotidien- mais rien de cela n'est vraiment convainquant.

En effet, je pollue et j'en ai honte. Dès que j'approche de Roissy, je sens des bouffées d'angoisse en pensant aux ours polaires, au plancton des mers du sud, aux pays quasi-inondés, au corail qui recule tandis que le désert avance, aux pluies acides et aux abeilles qui se font rares... Pour oublier, il ne me reste qu'à forcer sur le champagne. Dur.

5. L'impro, c'est show, comme chacun sait, mais ton souvenir le plus show sur les planches, c'est quoi ?

Là encore, la question n'est pas simple. Chaque soirée sur scène apporte son lot de satisfactions et de frustrations.

Notons au passage qu'à chaque fois, je passe par le même ascenseur émotionnel. Dès que je quitte la moquette les planches, je ne vois que des points négatifs, et il n'y a que l'adrénaline qui me permette de surnager. Ce n'est qu'après quelques minutes que le positif reprend (parfois) le dessus. Le lendemain, l'énergie est retombée mais l'analyse de la soirée est plus juste : c'est le moment de voir ce qui a marché et ce qui n'a pas marché. Comme le temps passe, les souvenirs s'améliorent ; de sorte qu'aujourd'hui, il me semble que me meilleurs impros datent de quelques années[2].

Mon souvenir le plus show ? Il y en a beaucoup qui me viennent à l'esprit mais s'il faut n'en garder qu'un ce pourrait être le tout début de la Maroquinerie, avant même la première impro. Aude et moi étions assis sur des chaises en fond de scène et nous nous apprêtions à débuter le spectacle. Comme au Théo David -M. Loyal- demanda au public d'agiter les thèmes en criant. Et là, trois cents personnes surchauffées par une première partie de folie se mirent à hurler en s'agitant dans tous les sens. Vision effarante, j'ai perdu deux ans d'espérance de vie en une demi-seconde...

Voilà, c'est fait. Si quelqu'un a des réponses, je suis prêt à poser des questions.

Notes

[1] Toujours féliciter l'interrogateur pour la pertinence de sa question, non seulement cela ne coute rien mais en plus ça le place en de meilleures dispositions avant d'affronter la suite de la réponse.

[2] Et je sais que c'est faux.