Après avoir réalisé le trop méconnu géant de fer en vrai dessins animés[1], Brad Bird a été séduit par Pixar et les sirènes du numérique. Bien lui en a pris ! Premier essai : The Incredibles, subtil mélange de jeu vidéo, de james bond, de True Lies... le tout à un rythme supersonique. Un film plaisant, mais pas le meilleur Pixar.

Notez que pas le meilleur Pixar est loin d'être négatif tant la production de la bande à Lasseter est réussie. Toy Story a donné un coup de vieux à tous les dessins animés ; A Bug's Life a inventé le vrai/faux film pour enfants[2] ; Finding Nemo, The Incredibles et Cars, aux scénarios classiques mais bien ficelés et techniquement bluffant. Encore au-dessus du lot, le meilleur Pixar : Monsters, Inc. jouait avec nos peurs et nos rêves, dans un univers monstrueusement poëtique, foisonnant de trouvailles[3]...

Revenons à Brad Bird pour sa deuxième pige chez Pixar : Ratatouille. Vu hier soir, j'en suis encore emerveillé : ce film est génial !

Un point négatif -le seul !- : pas de court métrage en introduction... Exigeant ? Oui, mais c'est parce que je garde un excellent souvenir de For The Birds, diffusé juste avant Monsters, Inc.

La lumière s'éteint. Pixar s'affiche à l'écran et Luxo -la petite lampe de bureau- studio arrive pour remplacer le I sur un petit air d'accordéon : nous sommes à Paris. Paris, ville éternellement des années 50, aux rues pavées embouteillées de 2CV, capitale de la gastronomie. Gastronomie que promeut Gusteau, le plus grand chef de cuisine, qu'idolatre Rémy. Rémy, un petit rat à l'odorat surdéveloppé qui ne rêve que de cuisine. Ajoutons un gamin incapable de faire cuire un oeuf, un chef tyranique, un critique gastronomique mi-vampire mi-croquemort et voilà l'univers de Ratatouille.

Techniquement, le film est parfait. Les décors, la ville, les objets sont superbes. L'animation encore plus : les mouvements des petits rats sont réalists et les humains -enfin !- semblent naturels. Encore plus fort : les plats donnent faim ! Et ces progrès techniques n'ont pas empèché les graphistes d'inventer une esthétique très originale à tout ce petit monde.

Côté scénario on retrouve les thèmes ingrédients Pixar / Disney : par delà les différences ; la volonté plus forte que tout ; le monde des possibles ; l'amitié rend plus fort... plus une jolie nouveauté : ne jamais freiner la créativité... Evidemment, le film est rempli de bons sentiments mais ils n'encombrent pas l'histoire : c'est malin, léger, pétillant, émouvant, drôle à pleurer, profond, fin... Bref, tout y est.

La mise en scène est élégante et inventive. Elle alterne accélérations comiques (la scène où Rémy apprend à contrôler Linguini est une perle) et moments intimistes (la discussion sur les quais de Seine, Rémy qui regarde les lumières de la ville). Elle sait pointer sur les détails amusants -et les films de Pixar sont des films de détails !- qui donnent vie à cet univers merveilleux -les films de Pixar sont des films d'univers- sans jamais ralentir la narration...

Comme le dit Anton, le travail du critique est facile, mais insignifiant en regard de celui du créateur... Un immense bravo à tous ceux qui ont travaillé sur cette merveille. Chaque plan semble envahi par une volonté de perfection (esthétique) au service d'une histoire intelligente.

Alors Ratatouille, le meilleur Pixar ? Difficile à dire, la compétition Sully vs Rémy est rude. Voilà une excuse parfaite pour les revoir tous les deux !

Notes

[1] C'est une partie de l'explication du faible succès de ce film, la mode des dessins animés était déjà passée...

[2] Pour les enfants : morale irréprochable, action impeccable, scènes burlesques. Pour les adultes : des personnages profonds, un humour fin et des références au monde adulte. Pour tout le monde : un thème qui fait rêver.

[3] Je me suis toujours demandé pourquoi les réalisateurs ont quitté Pixar. L'un a filé du côté du Chateau ambulant, l'autre vers L'age de glace.