Stratégie numéro 1 : produire quelque chose qui n'a rien à voir. Exemple : Highlander. Y a-t-il quelqu'un sur cette Terre -Christopher Lambert mis à part- qui a compris le lien entre les deux histoires ?[1] Intérêt : aucun problème de raccord entre les scénarios. Risque : décevoir les fans de la première heure sans convaincre les autres[2].

Stratégie numéro 2 : faire très exactement le même film. Exemple : Be cool et Get Shorty. Evidemment, les déçus du premier, à moins d'avoir contracté un caillot dans le cerveau[3], n'ont aucune chance d'apprécier la suite. Les autres aimeront, un peu moins car l'effet de surprise sera passé.

Stratégie numéro 3 : faire la même chose, mais pas tout à fait. C'est une version améliorée de la stratégie 2, il s'agit de reprendre les éléments qui ont fait de succès de l'original en éliminant le reste. Exemple : L'âge de glace 2. Evidemment, ça marche puisqu'il n'y a que des bonnes choses mais c'est comme faire du jus d'orange à base de jus d'orange concentré, il y a bien tous les ingrédients, c'est tout de même moins bon qu'un jus d'orange frais.

Stratégie numéro 4 : faire quelque chose qui ressemble, mais en mieux. Bien sûr, c'est la stratégie gagnante, celle vers laquelle la plupart des suites essaient de tendre. Essaient de tendre. Car même la meilleure stratégie ne sert à rien sans une bonne implémentation[4].

Et c'est souvent là que ça déraille : bien peu de suites ont égalé -voire dépassé- l'original. Le Parrain 2, l'empire contre-attaque, Terminator 2, Spiderman 2, Batman returns...[5] Et oui, souvent vouloir faire mieux équivaut à en faire plus. Les suites tombent dans l'effet surenchère (plus de sous, moins d'idées)...

Pour les suites de suites, c'est la même chose, en pire.

Captain'Jack is back !

Sophie avait été très surprise par la fin du second volet de Pirates des Caraïbes, personne ne lui avait dit qu'il y en aurait un troisième. Et, aux dix dernières minutes près, il faut bien avouer que le second aurait pu être aussi le dernier. Mais non, le troisième était signé, il fallait le tourner.

Sauf qu'à la toute fin du coffre de l'homme mort, l'ami Jacques Moineau (Capitaine Jacques Moineau !) se trouvait avalé par une grosse pieuvre. Sans Jack, Pirates... perd beaucoup de sa saveur, il était donc de bon ton d'aller le chercher.

Fastoche ! Si si, pour les scénaristes qui ont pondu l'imbroglio narratif du second volet, c'est fastoche. Il suffit de choisir parmi une petite infinité de méthodes (le terrain de jeu de l'imagination est vaste).

Et ils en ont choisi une bizarre. Vraiment bizarre. jugez plutôt[6] : pour aller chercher A qui est mort, on resucite B qui est mort. Question immédiate : mais pourquoi on n'utilise pas la même méthode pour resuciter directement A ? Alors ? Une idée quelqu'un ?

Personnellement, cette simple question m'a beaucoup intrigué. Au point de me pousser à aller voir Pirates 3... malgré des critiques moyennes [7]. Effet corrolaire des critiques moyennes -et du manque d'entrain suscité par la bande annonce-, c'est le passage à une stratégie scapinesque : pour ne pas être déçu, il faut s'attendre au pire, on ne peut qu'être agréablement surpris.

Je m'attendais au pire et je fus agréablement surpris.

Tout d'abord le scénario est beaucoup plus clair que le précédent : les personnages ont tous un objectif clair (Did no one come to save me just because they missed me?) et leurs actions sont dirigées vers la réalisation de ces objectifs[8]. Régulièrement, de petits bilans d'étapes rappellent les enjeux aux spectateurs distraits.

Ensuite, le ton résolument second degré du premier Pirates est de retour, du moins par vagues. Johnny Depp en fait des tonnes et le réalisateur lui a concocté de jolies scènes rien que pour qu'il puisse faire le pitre.

Les autres acteurs (Orlando et Keira) prennent du galon et même si la crédibilité de l'histoire est mise à mal[9], ça fait plaisir de les voir en mieux que des faire-valoir.

Les petits rôles sont toujours aussi déjantés, souci du détail que l'on retrouve dans les costumes, maquillages, décors. Bref tout ce qu'on ne voit pas vraiment mais qui crée les conditions d'un bon film.

Les effets visuels sont encore plus chouettes qu'avant, et servent le film plus qu'ils ne l'utilisent, rien à dire de ce côté là.

Plus important encore, l'ambiance est réussie. La première scène, une pendaison glauque à souhait, nous plonge immédiatement dans un univers plus sombre que les précédents volets. La tension monte au fur et à mesure du film et même le happy-end est dérangeant...

Alors un excellent film ? Non, car trop long. Vers le milieu, une sérieuse baisse de rythme nous fait réaliser que le temps s'écoule. Aïe.

Bilan, un bon film. A voir[10].

PS : cette critique a été rédigée bien après avoir vu le film, contrairement à mon habitude. Il me semble qu'à chaud, j'aurais été moins positif. Curieux.

Notes

[1] C'est à ce point invraissemblable que le troisième de la série fait comme si le second n'avait jamais existé.

[2] Qui ne seront pas allé voir le film puisque c'était la suite d'un machin qu'ils n'avaient pas aimé et que ceux qui avaient aimé le premier leur ont dit avoir été déçu.

[3] Qui en plus les ferait voter républicain.

[4] Il n'y a qu'au foot que l'intention vaut l'action.

[5] Pour une liste quasi exhaustive, regardez Scream.

[6] Ceci donne une occasion à Fabien D. de rééditer un improbable jeu de mots.

[7] J'ai beaucoup aimé celle de 20 minutes : deux heures d'attentes pour quelques minutes de frisson, Pirates est inspiré d'une attraction Disney.

[8] Voilà quelque chose qui plairait à mon prof' de théâtre.

[9] -Attends, je te rappelle qu'il y a des morts vivants, des pirates fantômes et des pieuvres géantes. -Certes, mais c'est plutôt un problème de cohérence interne au personnage : des tout-gentils qui se lachent.

[10] bibi approved !