18h15, Saint-Quentin-en-Yvelines. Sur le quai de la gare, on annonce des perturbations. Peu d'inquiétude cependant, il me reste une heure quinze avant le lever de rideau.

18h28, heure annoncée de départ de mon train, il n'est toujours pas en vue.

18h35, PERU -c'est le petit nom de mon vieux train bondé et non climatisé- démarre, direction Monparnasse. Petit à petit, le stress monte, accompagnant la température. Ce n'est pas tant dû à l'incroyable durée des arrêts en gare mais plutôt à son extrême lenteur. Le temps défile plus vite que le paysage.

18h47, un peu avant Versailles Chantiers, j'envoie un sms alarmant : "train bloqué. 80% de chances de retard". C'est d'autant plus rageant que les billets sont dans ma poche, ils ne pourront même pas profiter à quelqu'un d'autre.

18h53, l'annonce de l'espoir : le train sera sans arrêt jusqu'à Montparnasse.

19h10, je cours à travers la gare Montparnasse en direction du quai de la 12. Trois remarques : 1) l'ensemble costume cravate et chaussures de ville ne favorise pas la performance athlétique, 2) le tapis roulant à grande vitesse ne fonctionne jamais et 3) il faut que je me remette au sport.

19h15, la rame démarre et j'enrage : il y a une forte probabilité pour que j'arrive juste en retard.

19h26, station Madeleine -je n'ose tenter la correspondance, il y a des travaux à Opéra et toutes les lignes ne s'y arrêtent pas- c'est de nouveau un sprint. Sophie attend sur les marches de l'opéra depuis 45 minutes. Si seulement elle pouvait me prêter un peu de son avance. Si seulement elle pouvait retarder retarder la représentation. Si seulement elle pouvait s'enchaîner à la porte . Je divague, cerveau mal oxygéné.

19h30, j'y suis. Nous grimpons les quatre étages. L'ouvreur nous explique que c'est trop tard pour rejoindre nos vraies places, nous les aurons à l'entracte, en attendant, c'est strapontin. Un moindre mal. Nous nous asseyons aussi discrètement que possible sous les regards réprobateurs des encostumés qui n'ont pas pris le train. Les premières notes couvrent -hum !- les grincmements des strapontins. Je suis en nage, mais à l'heure. Presque.

La Traviata, peut-être le plus connu des opéras de Verdi, adapté de La Dame aux Camélias d'Alexandre Dumas [1], suit le tragique destin de Violetta Valéry, une mondaine parisienne qui meurt de la tuberculose.

La pièce est centrée sur Violetta que l'on voit tomber amoureuse, se perdre par amour pour finalement mourir sur scène.

Premier acte, lors d'une fête chez Flora Bervoix, Alfredo Germont déclare sa flamme à Violetta qui commence par le repousser puis qui se dit que l'amour c'est plutôt chouette.

Trente minutes plus tard, premier entracte. C'était une soirée de l'AROP -l'association pour le rayonnement de l'opéra de Paris- d'où costumes et robes de soirée, plus encore qu'à l'accoutumée, beaucoup d'Xs en grand uniforme, un peu moins que pour le bal, plus des petits fours[2] et champagne sinon à volonté du moins en quantité suffisante pour réhydrater le sportif d'opérette.

Second acte, trois mois ont passé. Violetta vit avec Alfredo. Alors qu'ils s'aiment et sont heureux, le père d'Alfredo convainc Violetta de renoncer à son fils -de sacrifier son amour- pour le bonheur de sa famille.

Un changement de décor plus tard, Violetta est au bras du Baron Douphol à une fête chez Flora. Alfredo, saoul et désespéré, fait du tapage et défie le baron alors que Violetta ne peut lui avouer qu'elle le quitte par amour.

Une heure passe, deuxième entracte et nouvelle flûte de Mumm.

Troisième acte, quelques années ont passé. Violetta est sur son lit de mort quand Alfredo apprend le sacrifice qu'elle a consenti pour sa famille. Il la rejoint, de même que son père qui s'excuse pour tant de mal. Alors que Violetta peut enfin être heureuse, la tuberculose l'emporte...

Mise en scène moderne : les décors et costumes sont contemporains. De même que les attitudes -des danseurs notammment, dont un qui ne fait que de la break-dance- ce qui tranche parfois un peu avec les paroles mais rien de choquant.

Les foules sont bien gérées, il y a toujours quelque chose de surprenant à voir, placé dans un coin pour ne pas perturber celui qui préfère regarder les chanteurs. Les scènes à deux ne sont peut-être pas assez statiques (les personnages ont tendance à parcourir la scène un peu vide sans vrai but).

Quelques détails à la marge méritent l'attention des spectateurs : premier acte, scène n, Alfredo et Violetta sont seuls au premier plan. Tout au fond de la scène une danseuse saoule joue avec une porte, elle disparait à moitié, seules ses jambes dépassent puis elle s'envole, c'est curieux. En fin d'acte, joli jeu avec les manteaux des protagonistes.

Au deuxième acte, scène 1, Alfredo bricole une tondeuse à gazon, amusant.

Au troisième, Violetta chante quelques courts apartés au milieu de la foule ; lorsqu'elle s'adresse au public, tous les autres chanteurs se figent au milieu de leur mouvement, la lumière se tamise et un spot éclaire la soliste. Bel effet.

Puis à la fête de Flora les danseurs saoûls enchainent des pas qui -effet de l'alcool- dérivent vers du rock de plus en plus acrobatique[3].

Les décors sont simples mais offrent de nombreuses possibilités de jeu -il n'y a que la chambre de Violetta, dernier acte, qui ne m'a pas convaincu : c'est une scène dans la scène mais on ne voit pas trop où se trouve la rue, la maison, les personnages y sont un peu perdus.

Musique et chants que je découvrais, mis à part les grands airs les plus connus.

Mélodies assez rythmiques (beaucoup de cordes pincées pour accompagner les parties chantées), alternant thèmes calmes à la seule flûte ou clarinette et déchaînement de tout l'orchestre avec cors et timbales assourdissants. Chaque tableau a sa couleur propre. Le résultat est très illustratif, laissant une grande part au chant (quelques a capella) et au jeu.

Christine Schäfer (Violetta) réalise une jolie performance. Il n'y a qu'une scène où elle n'est pas sur scène à chanter. Energique puis troublée, désepérée puis heureuse, elle mérite son ovation à la fin...

L'opéra, c'est chouette, encore merci les Greg's.

Notes

[1] Fils.

[2] Excellent canapé poulet chutney de mangue.

[3] Pour ceux qui ont déjà vu les films où Jackie Chan se bat bourré, ça rend un peu pareil... Quelle comparaison !