Et ce n'est rien à côté de leur mise en application. Evaluer un engagement est difficile. Mesurer d'une distance, encore plus. Décider de l'entrée dans les deux longueurs est infernal.

Imaginez. Vous êtes babord amure, sous le vent de l'adversaire, à l'approche de la bouée et un peu derrière. Votre salut, c'est l'engagement. Vous tentez donc d'abattre un peu pour gagner en vitesse, l'autre lofe[1]. La bouée est là, à trois mètres. Etes-vous engagé ? Etiez vous engagé lorsque son étrave -à l'autre- a franchi la zone des deux longueurs ? Pouvez-vous forcer le passage ?

Vous criez de l'eau ![2], l'autre abat un peu. Vous prévenez je vais réclamer ! L'autre c'est ça ! mais il lofe, il vous laisse un peu de place. Il pense qu'il doit vous laisser de la place. Ou bien il vous tend un piège et si vous faites l'intérieur, c'est mort, il abat et réclame. A raison. Ou peut-être pas d'ailleurs.

Puisque celui qui réclame peut prendre une pénalité, puisqu'apprécier les situations est difficile, puisque l'arbitre est humain et ne voit pas tout, le match-race, c'est aussi du bluff. Et parfois un étonnant dialogue entre les barreurs. Jaune : je suis engagé, je lofe -ok, je réponds je lofe (bleu), je suis dégagé. (...) -je lofe ! -je réponds -tu ne fais pas tout, borde ta voile -ok je réponds. -pas assez je lofe encore -tu ne me laisses pas assez de place, je réclame -moi aussi je réclame !

On l'a dit, une des spécificités du match-race, c'est l'arbitrage en direct. Comment ça marche ?

Il y a un bateau arbitre par paire de concurrents. Il se place plutôt derrière la paire, pour mieux apprécier les changements de direction des voiliers.

L'empailleur est parfois épaulé d'un ailier -qui ne prend aucune décision et dont l'avis n'est qu'informatif. Celui-ci se place plutôt sur le côté de la paire pour renseigner les arbitres sur les engagements et l'entrée dans la zone des deux longueurs.

Position des arbitres

Fin du fin, les arbitres sont souvent deux par paire, sur un même bateau accompagnateur. Les voir arbitrer est un spectacle étonnant, car ils discutent en permanence, incarnant chacun un des bateaux en course. Ainsi à chaque instant, ils connaissent la situation et peuvent délibérer rapidement si l'un des compétiteurs réclame.

Cela peut donner. Jaune : je suis sous le vent, je lofe. Bleu : je réponds je lofe en grand je me dégage. - je suis en route libre, j'abats (...) je m'engage. -je réponds en lofant sans border ma grand voile -je continue à lofer, je me rapproche, je veux de la place -je lofe mollement, je ne te laisse pas de place, je vais en prendre une tiens d'ailleurs, je réclame, j'ai tort, non ? -tiens moi aussi je réclame, bon ben t'en prends une...

Note : si le bluff est une part importante de la discussion entre les barreurs, il ne semble pas exister entre les arbitres.

C'était un intermède sur les empailleurs, demain, nous reprenons le cours de notre régate. Nous venions d'envoyer les spis pour attaquer le bord de portant.

Notes

[1] Certes il ralentit mais pour une sombre histoire d'angles, votre engagement devient plus difficile à réaliser.

[2] Pour demander à l'autre de vous laisser de la place.