Cette nuit, j'ai rêvé du cliquetis des winchs, du grincement des écoutes dans les poulies et du tintement des drisses le long du mat.

Cette nuit, j'ai vu les penons qui dansent à l'avant du génois, le compas qui défile lentement et les vagues que la coque va percer.

Cette nuit, j'ai senti les gouttes que soulève l'étrave qui tape dans la vague, j'ai senti le vent et le soleil sur mon visage.

J'ai enfilé des gants raidis par le sel, tiré sur une barre ardente et me suis enivré des mouvements du voilier qui cavale...

Et cette nuit, à quelques mètres du mien, était un autre voilier.

Il y avait cette folle farandole des duetistes avant le départ, quand tout le monde est perdu dans ses écoutes, le coeur qui tambourine. Et ce temps qui s'égrenne trop vite. 45 secondes à perdre. On vire ! 30 secondes à perdre, on empanne, 15 secondes. Je lance -on est en avance !

Tous les équipiers épuisés par le circling, fixaient l'autre voilier -plus de cap, moins de vitesse- ou le vent à venir -risée dans trois longueurs-, ou la bouée à venir -layline, on vire- et les voiles -moins de pression -ok je lofe...

J'ai revu ces croisements aveugles, ou l'autre est masqué par les voiles, un équipier sous le vent pour guider le barreur ça passe dans trois longueurs, ça passe dans deux longueurs, ça passe dans une longueur, ça passe pas lofe en grand !

Et les enroulements de bouée -on envoie le spi, les cris des équipages mélés -Lofe ! Lache le bras !-, les coques qui se rapprochent -On est engagés ! Tu parles... Je réclame !- et le sifflet des empailleurs -ils en ont pris une, mais c'est pas fini...

Le match-race, c'est une régate à deux. Un duel avec des règles spéciales, arbitré en direct. C'est une course intense. En matière de régate, on fait difficilement mieux.

Aujourd'hui débute la Louis-Vuitton Cup, prélude à l'America's Cup. J'inaugure donc une série de billets (et une nouvelle catégorie) avec schémas, notes, définitions où vous apprendrez tout -ou presque- sur le noble art du match-race...